C’en est bel et bien fini des « 44 milliards » d’euros d’effort prévus dans le budget 2026. Cette prévision, devenue chiffre-symbolique du prochain projet de loi de finances, perd de son contenu politique et technique après les premiers arbitrages du nouveau gouvernement.
Un geste politique déjà visible : deux jours fériés conservés
Le ministre en charge du portefeuille économique a montré dès la passation de pouvoir qu’il était prêt à infléchir la trajectoire annoncée. Sébastien Lecornu a déjà lâché du lest en renonçant à la suppression de deux jours fériés, une mesure qui figurait dans les options de réduction des dépenses. Lors de la passation sur le perron de Matignon, le 10 septembre, il avait promis des « ruptures », « sur la forme », « «dans la méthode » et « sur le fond ». Ces premières concessions laissent entrevoir un réexamen des priorités budgétaires et de la façon de les présenter.
La méthode de calcul remise en cause
Depuis environ un an, Matignon et Bercy présentaient l’effort budgétaire à réaliser en référence à un « scénario tendanciel » que plusieurs interlocuteurs qualifient d’opacifiant. Selon le récit officiel, ce mode de calcul faisait apparaître un montant d’effort plus élevé — d’où le chiffre médiatique de « 44 milliards ». Le recours à ce scénario avait aussi conduit les formations politiques à se caler sur la même méthode, amplifiant l’impact politique du chiffre affiché.
Le nouvel exécutif souhaite rompre avec cette présentation et revenir « au mode habituel de présentation du budget », indiquent des sources concordantes. Le changement annoncé porte autant sur la forme que sur la méthode de calcul. Concrètement, cela signifie que la base de comparaison utilisée pour chiffrer l’effort pourrait être modifiée, entraînant mécaniquement une réévaluation du montant à trouver.
Les acteurs économiques et politiques retiennent deux implications immédiates : d’une part, le chiffre total d’effort budgétaire pourrait diminuer sans que les mesures réelles changent substantiellement ; d’autre part, la lisibilité du budget pour le grand public et pour les partenaires parlementaires risque d’être affectée pendant la période de transition entre méthodes.
Enjeux politiques et communication
Sur le plan politique, la décision de modifier la présentation du budget permet au Premier ministre d’affirmer son autonomie vis‑à‑vis des choix antérieurs attribués à Michel Barnier et François Bayrou, dont la méthode avait été critiquée pour son opacité. Un tel repositionnement facilite la négociation avec les différents groupes parlementaires, qui avaient déjà intégré le précédent chiffrage dans leurs stratégies.
Sur le plan de la communication, changer la méthode présente un double risque : améliorer la clarté du message budgétaire et, en même temps, ouvrir la porte aux accusations d’affichage comptable ou de manipulation des chiffres. Les autorités devront donc expliquer avec précision la nouvelle base de calcul retenue pour éviter de nouvelles incompréhensions.
Ce que disent les faits et ce qui reste à confirmer
Les éléments factuels disponibles indiquent trois points constants : le chiffre de « 44 milliards » avait été présenté comme l’effort à trouver pour 2026 ; Sébastien Lecornu a renoncé publiquement à supprimer deux jours fériés ; le gouvernement envisage de revenir à une présentation budgétaire antérieure au « scénario tendanciel ». Au‑delà de ces constats, plusieurs détails techniques et d’ampleur restent à préciser par le ministère des Finances et Matignon, notamment la méthode exacte qui remplacera le scénario tendanciel et les conséquences chiffrées de ce retour de méthode.
Jusqu’à la publication du projet de loi de finances et des notes techniques qui l’accompagnent, il est difficile d’évaluer précisément l’impact final sur les dépenses, les recettes et le déficit. Les prochains actes administratifs et la documentation officielle fourniront les données nécessaires pour juger si la révision de méthode a surtout un effet d’affichage ou si elle modifie en profondeur l’effort budgétaire réel.
En attendant, la recomposition de la présentation budgétaire constitue l’une des premières décisions marquantes du nouveau Premier ministre, traduisant une volonté de rupture avec les usages récents et ouvrant une phase de clarification technique et politique autour du budget 2026.