Le ministre de l’économie, Roland Lescure, a mis en garde contre ce qu’il a qualifié de « sorcellerie fiscale » à propos de plusieurs mesures adoptées par les députés lors de l’examen du projet de budget 2026. Ses propos figurent dans une interview à paraître dans La Tribune Dimanche, publiée samedi 1er novembre.
Des mesures jugées inopérantes par le ministre
Depuis l’ouverture des débats sur le budget 2026 à l’Assemblée nationale, des députés ont voté une série de dispositions visant notamment à augmenter la pression fiscale sur les entreprises. Roland Lescure a réitéré son appel à un « budget de compromis » qui ménage un « équilibre entre sérieux budgétaire et stabilité politique », tout en prévenant que « tout n’est pas acceptable ».
Critiquant certaines initiatives adoptées « cette semaine », il a ironisé en les rapprochant, par plaisanterie, de la période d’Halloween : « Cette semaine ont été votées des mesures, peut‑être liées à la perspective d’Halloween, totalement inopérantes ! » Il a cité en exemple une taxe sur les bénéfices des multinationales qu’il juge « inapplicable ». C’est selon lui de la « sorcellerie fiscale ».
Sur le plan chiffré, le ministre a mis en garde contre des promesses de recettes faciles. « On peut décider en théorie d’exporter notre problème de déficit et de vouloir faire payer le monde entier. Mais en pratique, ce n’est tout simplement pas possible », a‑t‑il déclaré. Et d’ajouter, en réponse aux estimations optimistes : « A ceux qui disent “on va avoir 30 milliards d’euros de recettes magiques”, je réponds : “Nous aurons 30 milliards d’ennuis magiques”. »
Le pacte Dutreil au centre des débats sur la transmission d’entreprises
Le ministre a également plaidé pour la préservation du pacte Dutreil, un dispositif fiscal destiné à faciliter les transmissions familiales d’entreprises. Il a appelé à la prudence pour éviter de « brader les entreprises françaises » et a reconnu que l’outil peut nécessiter des ajustements : « Le pacte Dutreil est un outil essentiel de la préservation du capitalisme familial à la française. Il est utile. Mais est‑ce qu’on peut corriger, ici ou là, des excès qui sont relevés par certains ? Regardons‑y ! »
Il a toutefois mis en garde contre des réformes qui affaibliraient le dispositif : « En revanche, si le résultat de ce qui sera voté à l’Assemblée aboutit à brader les entreprises françaises, on se tirerait une balle dans le pied. »
Cette niche fiscale, qui doit être débattue à l’Assemblée nationale, suscite des critiques, notamment de la part du Parti socialiste. Le PS y voit un moyen de réduire les droits de succession lors des transmissions. Selon Le Monde, qui a consulté une synthèse d’un rapport de la Cour des comptes attendu dans les semaines à venir, le pacte Dutreil aurait entraîné une perte de recettes fiscales de 5,5 milliards d’euros en 2024.
Conséquences sur le niveau global des prélèvements
La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a pour sa part proposé un cadrage chiffré des mesures votées à ce stade. Selon son calcul, les dispositions adoptées jusqu’ici font monter le taux de prélèvements obligatoires à 45,1 % du produit intérieur brut (PIB), un niveau supérieur à celui de 2013, qui était de 44,8 %.
Cette estimation ne prend pas en compte l’impôt sur la fortune improductive voté vendredi soir, qui n’est pas encore chiffré. Le ministère indique donc que l’impact total des votes récents sur les recettes et sur la charge fiscale des ménages et des entreprises reste à préciser.
Roland Lescure a repris son message de prudence budgétaire en insistant sur la nécessité de concilier exigences de financement et attractivité économique. Son appel à un compromis reflète la tension entre objectifs de recettes immédiates et contraintes de mise en œuvre technique et juridique des mesures votées.





