Vendredi 3 octobre, le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé, sur le perron de Matignon, sa décision de renoncer à l’emploi de l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget. Il a présenté ce choix comme une volonté de relancer le débat parlementaire et de transférer davantage de responsabilités aux élus.
Une décision présentée comme un retour au parlement
« J’ai décidé de renoncer à l’article 49.3 de la Constitution, puisque cet article au fond permet au gouvernement d’interrompre les débats », a déclaré M. Lecornu. Selon lui, cette méthode, qui permettait jusqu’ici de « contraindre » l’issue des textes, n’apparaît plus adaptée à l’Assemblée actuelle.
Le chef du gouvernement a expliqué avoir pris cette décision après des discussions « avec un certain nombre d’acteurs de la vie politique et parlementaire ». Il a notamment évoqué la nécessité d’« engager quelques ruptures » afin de favoriser un « moment » plus parlementaire dans la Ve République. « Je pense que nous sommes dans le moment le plus parlementaire de la Ve République », a-t-il insisté, en appelant à donner « du pouvoir » et « de la responsabilité » à chaque député pour que le débat puisse véritablement démarrer.
Vers une négociation avec le PS sur le budget 2026
Avant une « réunion de la dernière chance » avec le Parti socialiste, Sébastien Lecornu a précisé que l’objectif était d’obtenir un accord de non-censure sur le budget 2026. Il a rappelé que renoncer au 49.3 ne devait pas empêcher la France d’avoir un budget adopté avant la fin de l’année : « Renoncer à l’article 49 ne doit pas nous faire renoncer à ce que la France ait un budget au 31 décembre », a-t-il déclaré.
Sur la base de cette « nouvelle méthode », a-t-il ajouté, le gouvernement prévoit de « déporter encore davantage le pouvoir à l’Assemblée nationale et au Sénat » et d’ouvrir « un certain nombre de discussions nouvelles ». Le Premier ministre n’a pas détaillé le calendrier précis de ces négociations dans la déclaration rapportée.
La nature de l’article 49.3 et l’argument historique
Interrogé sur l’utilité de l’outil constitutionnel, Sébastien Lecornu a jugé l’article 49.3 « un outil utile, mais c’est un outil qui a plutôt été imaginé par Michel Debré pour contraindre sa propre majorité ». Il a estimé que, dans un Parlement renouvelé et divisé, « on ne peut pas passer en force et on ne peut pas contraindre son opposition ».
Dans son propos, le Premier ministre met l’accent sur la difficulté de conduire des textes lorsqu’il existe des divisions marquées au sein de l’hémicycle. Il soutient que laisser davantage de marges d’initiative aux députés doit permettre d’engager des débats plus ouverts et d’aboutir à des compromis plutôt qu’à des recours à des procédures constitutionnelles permettant de court-circuiter le vote.
Sur les retraites et les réactions politiques
Sébastien Lecornu s’est également déclaré prêt à « améliorer notre régime de retraites », tout en affirmant qu’il ne reviendrait pas sur les réformes déjà adoptées. Il a ainsi posé une distinction entre des ajustements possibles sur le régime et un reniement des réformes mises en oeuvre.
La réaction du Parti socialiste a été immédiate. Boris Vallaud, président du groupe PS à l’Assemblée nationale, a réagi en soulignant que « le gouvernement a d’autres outils pour ‘caporaliser le Parlement’ », faisant ainsi entendre un certain scepticisme quant à la portée réelle de l’annonce. Le compte rendu de Matignon indique qu’il est apparu peu convaincu par les propos du chef du gouvernement.
Les propos rapportés montrent un dialogue tendu entre majorité et opposition sur les méthodes de gouvernance et sur la manière d’assurer l’adoption du budget tout en respectant le rôle du Parlement.
Sans plus de précisions officielles sur les modalités pratiques de renoncement au recours au 49.3 ni sur les termes exacts des discussions avec le PS, la déclaration du Premier ministre marque toutefois une intention politique claire : privilégier, du moins en apparence, le débat parlementaire et la recherche d’accords pour l’examen du budget 2026.