Le Parlement a été témoin d’un rebondissement soudain lors de la reprise du débat à l’Assemblée nationale, lundi 27 octobre après‑midi : le ministre de l’économie, Roland Lescure, a demandé une suspension de séance, puis le gouvernement a déposé un amendement d’ampleur qui a surpris l’hémicycle et relancé le bras de fer autour de la surtaxe sur les profits des entreprises.
Un amendement gouvernemental « massif »
Dix minutes après la suspension demandée par le ministre, un amendement gouvernemental est apparu dans la discussion. Il propose d’alourdir la surtaxe prévue sur les bénéfices des entreprises de 2 milliards d’euros supplémentaires, en concentrant la mesure sur les plus grandes sociétés. La surtaxe, initialement évaluée à 4 milliards d’euros, passerait ainsi à 6 milliards afin d’« équilibrer le budget ».
La présentation de cet ajout a bousculé le calendrier des débats : plusieurs députés ont immédiatement déposé des amendements et des sous‑amendements pour modifier le montant ou la portée de la surtaxe. Certains proposaient de réduire l’effort à 2 milliards, d’autres de l’augmenter, évoquant des paliers à 7 ou 8 milliards d’euros.
Des réactions tranchées et un vote serré
La réponse parlementaire a été vive et segmentée. Laurent Wauquiez, député des Républicains (LR), a fustigé la mesure en la qualifiant de « Folie fiscale ! ». À l’inverse, le Parti socialiste a défendu l’effort demandé, Philippe Brun — qualifié de « Monsieur budget » du PS dans l’hémicycle — plaidant que « Il n’y a aucune confiscation à demander à ces 400 plus grandes entreprises un certain effort dans les moments très difficiles que nous connaissons ».
Environ trente minutes après le dépôt, l’amendement gouvernemental a été adopté. Le texte a recueilli le soutien de la gauche et du MoDem. En revanche, les députés macronistes et ceux de LR se sont montrés divisés. L’extrême droite et le groupe Horizons ont voté contre.
Une manœuvre politique et budgétaire
La modification proposée illustre la manière dont une majorité peut tenter de réajuster en séance les équilibres budgétaires, en ciblant plus fortement les grandes entreprises. Le gouvernement a justifié l’augmentation par la nécessité d’équilibrer les comptes, formule répétée lors des échanges en séance.
Le calendrier serré du dépôt et du vote, ainsi que la multiplication immédiate des amendements concurrents, témoignent d’une stratégie parlementaire qui combine réactivité et pression politique. Plusieurs groupes ont vu dans cette initiative soit une réponse nécessaire à des contraintes budgétaires, soit une opération fiscale fortement ciblée sur un segment restreint d’entreprises.
Conséquences et incertitudes
Le passage de 4 à 6 milliards d’euros et la focalisation sur les « 400 plus grandes entreprises » figuraient au cœur des arguments pro et anti. Les défenseurs ont présenté la mesure comme un effort ciblé et temporaire pour contribuer à l’effort national en période difficile. Les opposants ont dénoncé une charge supplémentaire qui pourrait peser sur l’investissement ou l’attractivité, sans toutefois produire, dans le débat immédiat, d’évaluation chiffrée précise sur les effets à long terme.
Le déroulé à l’Assemblée — suspension, amendement surprise, dépôt de multiples alternatives, puis adoption — laisse apparaître des marges de manœuvre politiques mais aussi des zones d’incertitude sur l’application concrète et sur l’éventuelle mise en œuvre administrative de la surtaxe portée à 6 milliards.
La portée réelle de la mesure dépendra des décrets d’application et des modalités de calcul de la surtaxe, points qui n’étaient pas détaillés dans les interventions très focalisées sur les montants et la répartition entre entreprises.
Le débat, relancé par cette intervention tactique du gouvernement, illustre la capacité de l’exécutif à ajuster en séance des paramètres budgétaires clés, mais aussi la fragmentation des positions politiques sur la fiscalité des entreprises. Les contradictions au sein des familles politiques — notamment chez les macronistes et chez LR — montrent que la question reste loin d’être résolue politiquement, même après l’adoption formelle de l’amendement.





