Au terme d’un scrutin à suspense, l’Assemblée nationale a adopté, vendredi 5 décembre, la partie « recettes » du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, malgré des divisions au sein du camp gouvernemental. Ce vote ouvre la voie à la suite de l’examen, en particulier au vote sur l’ensemble du texte prévu mardi.
Un résultat serré et une participation faible
Les députés ont approuvé la partie recettes par 166 voix pour, 140 voix contre et 32 abstentions. Au total, 338 députés ont pris part au vote ; 239 des 577 députés n’y ont pas participé. Cette faible participation a marqué le scrutin, jugé crucial par l’exécutif et des groupes parlementaires.
Le soutien est venu notamment de Renaissance, du MoDem, du Parti socialiste (PS) et des indépendants du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT). À l’opposé, l’alliance Rassemblement national (RN)–Union des droites pour la République (UDR), La France insoumise (LFI) et Les Écologistes ont voté contre. Les Républicains et Horizons, membres de la majorité, se sont pour leur part majoritairement abstenus.
Parmi les absents figuraient des poids lourds politiques, dont Marine Le Pen (RN), retenue par un enterrement selon son entourage, ainsi que Manuel Bompard (LFI), François Hollande (PS) et Michel Barnier (LR).
Divisions dans la majorité et enjeux du texte
Le résultat serré illustre les tensions au sein de la majorité et constitue un avertissement pour le gouvernement. Les groupes les plus fermement opposés (RN, UDR, LFI) conservent la capacité de mobiliser davantage d’élus d’ici au vote sur l’ensemble du projet, ce qui entretient une grande incertitude.
Le premier ministre Sébastien Lecornu a salué le « travail de concertation » mené avec les forces politiques. Présent dans l’Hémicycle cette semaine, il avait insisté sur le fait qu’un rejet des recettes aurait empêché, notamment, l’examen de la suspension de la réforme des retraites. Le gouvernement a demandé que certains points sensibles — dont la suspension de la réforme, le gel des retraites et le maintien des minima sociaux — soient traités en priorité. Ces débats devaient débuter à partir de 21 h 30 vendredi, avec une poursuite samedi matin au besoin.
Amendement sur la CSG et arbitrages budgétaires
Pour tenter de concilier les positions, l’exécutif a modifié sa copie sur la question sensible de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital, une proposition portée par la gauche. Un amendement a été adopté afin de « sécuriser des recettes » et « assurer que les classes moyennes ne soient pas impactées », selon les termes repris en séance.
Ce compromis se traduit toutefois par une baisse significative du rendement attendu : environ 1,5 milliard d’euros au lieu des 2,8 milliards prévus dans la version initiale du texte. Le socialiste Jérôme Guedj a jugé que « ce n’est pas tout à fait ce qu’on avait demandé, mais ça va dans la bonne direction » et a rappelé la nécessité de retirer des mesures « injustes » dans la partie dépenses.
À l’inverse, Jean‑Philippe Tanguy (RN) a dénoncé « un projet de facturation de vos sauvetages de sièges », exprimant son opposition aux nouvelles taxes. Les Républicains et Horizons, mécontents des concessions faites au PS sur la CSG et la réforme des retraites, se sont appuyés sur le niveau du déficit pour justifier leurs abstentions.
Objectifs de déficit et questions sur les recettes
Le gouvernement vise à ramener le déficit de la Sécurité sociale autour de 20 milliards d’euros. Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a estimé que le compteur prévisionnel se situait autour de 16 milliards d’euros à l’issue de l’examen des recettes, tout en précisant qu’il pourrait être dégradé lors de l’examen de la partie dépenses.
Le texte initial prévoyait par exemple un gel des pensions et des minima sociaux censé rapporter 3,6 milliards d’euros, une mesure fortement contestée par de nombreux députés et susceptibles de ne pas être maintenue.
Paul Christophe (Horizons) a fustigé un « déficit de la sécurité sociale artificiellement réduit », en évoquant notamment un transfert de fonds de caisses de l’État vers celles de la Sécurité sociale, manœuvre qui, selon lui, donne de l’air à la « Sécu » sans alléger le déficit public global.
La porte‑parole du gouvernement, Maud Bregeon, a assuré qu’il n’y aurait « aucune augmentation, ni dans le budget ni par décret, des franchises médicales ». Le gouvernement envisage par ailleurs de relever l’objectif des dépenses de l’Assurance‑maladie (l’Ondam) « jusqu’à +2,5 % », alors qu’une augmentation d’environ 2 % était prévue jusqu’ici.
Le calendrier parlementaire et les arbitrages qui suivront détermineront si ces compromis suffiront à faire adopter l’ensemble du projet mardi, ou s’ils pousseront l’exécutif à recourir à d’autres moyens pour faire passer le texte.





