Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a rejeté l’idée d’une « taxe Zucman » tout en laissant entendre qu’une autre voie pourrait être explorée pour limiter le contournement fiscal des plus riches. Cette position a été exposée vendredi 3 octobre lors d’un échange au sommet avec des représentants de la gauche qui avaient manifesté dans son bureau pour réclamer l’instauration d’une mesure fiscale ambitieuse contre les inégalités.
Un refus clair mais une porte ouverte
Selon l’entourage du chef du gouvernement, le nouveau locataire de Matignon « ne croit pas à la taxe Zucman, qu’il juge dangereuse pour l’économie et l’emploi ». La formule, rapportée au cours des discussions, marque un refus explicite de l’option promue par certains élus et militants.
Pour autant, le Premier ministre n’a pas fermé la porte à d’autres réponses publiques au phénomène du contournement fiscal : il a fait valoir l’existence de solutions alternatives, sans détailler dans l’immédiat lesquelles. Les représentants de la gauche, qui avaient organisé la délégation, ont quant à eux rappelé l’urgence d’une intervention forte sur la fiscalité des très hauts revenus.
Ce qu’est la « taxe Zucman » et pourquoi elle divise
La taxe dite « Zucman » porte le nom de l’économiste Gabriel Zucman. Elle consiste, dans la proposition évoquée lors de la rencontre, à contraindre les 1 800 Français les plus riches à acquitter chaque année au moins 2 % de la valeur de leur patrimoine au titre de l’impôt.
Cette idée rencontre un soutien chez certains responsables de gauche et chez des associations soucieuses de réduire les inégalités et de lutter contre l’évasion fiscale. Mais elle suscite aussi des réserves marquées, tant dans les rangs patronaux que chez des acteurs économiques qui s’inquiètent des conséquences possibles pour l’investissement et l’emploi.
Arguments des opposants et mises en garde
Les détracteurs de la taxe avancent plusieurs scénarios de risques. Selon eux, une imposition minimale annuelle de 2 % de la valeur patrimoniale pourrait inciter certains ultra-riches à quitter le pays ou à mobiliser la trésorerie de leurs entreprises privées pour répondre à cette charge fiscale.
Le Medef a résumé cette crainte par une formule choc reprise pendant les échanges : « Voir la richesse comme une proie, c’est tuer la poule aux œufs d’or ! » Cette métaphore illustre l’argument selon lequel une pression fiscale jugée excessive sur les patrimoines les plus importants serait dissuasive pour l’investissement et la création d’emplois.
Les opposants soulignent également un risque de fuite des capitaux ou de contournement par des montages fiscaux sophistiqués, autant d’éléments qui, à leurs yeux, réduiraient l’efficacité attendue d’une telle taxe.
Un débat équilibré mais sans décision immédiate
La rencontre au sommet n’a pas abouti à l’adoption d’une mesure concrète, mais elle a mis en lumière les lignes de fracture autour d’une question sensible : comment taxer davantage les très riches sans désorganiser l’appareil économique ni encourager le départ de capitaux ?
Le refus explicite de la « taxe Zucman » par Matignon met en relief la difficulté politique à traduire des propositions fiscales ambitieuses en décisions nationales. En même temps, l’annonce selon laquelle une autre solution serait possible indique que le sujet reste sur l’agenda et susceptible d’alimenter de nouvelles discussions entre majorité et oppositions, entre gouvernement et organisations économiques.
Les partisans d’une réforme profonde de la fiscalité du patrimoine invoquent quant à eux la nécessité d’outils capables de rendre le système plus juste et de limiter les manœuvres d’optimisation qui privent l’État de ressources fiscales. Les critiques appellent à la prudence afin d’éviter des effets indésirables sur l’emploi et l’attractivité.
Sur la base des éléments rendus publics après l’échange, la position officielle reste donc le rejet de la taxe Zucman telle qu’elle a été formulée, tandis qu’une recherche de solutions alternatives est annoncée sans précision sur leur nature ni leur calendrier.
Les débats à venir devront concilier des impératifs concurrents : justice fiscale, efficacité des mesures, stabilité économique et capacité à éviter les effets de déplacement de patrimoine ou d’activité. Ces arbitrages relèvent autant des choix politiques que des contraintes techniques de mise en œuvre.