La loi est dure mais c’est la loi. Cet adage, souvent cité pour rappeler la primauté du droit, a été mis en avant par le Conseil d’État dans une décision rendue le 10 décembre. Par ce jugement, la plus haute juridiction administrative a enjoint au gouvernement de publier, dans un délai de six mois, un décret visant à harmoniser les autorisations d’absence au sein de la fonction publique — un texte attendu depuis plus de six ans.
Le litige à l’origine de l’injonction
L’affaire est partie d’un recours individuel déposé par un juriste du ministère de la transition écologique. Celui-ci s’était vu refuser une autorisation d’absence pour accompagner son épouse à un examen médical obligatoire lié à sa grossesse. L’administration avait motivé son refus par l’absence de précision réglementaire et par l’argument selon lequel une telle absence ne pouvait, selon elle, être accordée que pour des actes strictement liés à l’assistance médicale à la procréation.
Le fonctionnaire, qui invoquait le droit d’accompagner sa conjointe lors des actes de suivi de grossesse, a saisi le juge administratif. Il a également rappelé l’obligation constitutionnelle d’exécution des lois par le gouvernement, en demandant la publication d’un décret prévu par la loi de transformation de la fonction publique de 2019.
Le cadre légal et la demande de décret
La loi de 2019 prévoyait la parution d’un décret définissant une liste d’autorisations spéciales d’absence rémunérées. Ces autorisations devaient couvrir des situations liées à la parentalité — grossesse, garde d’enfants — ainsi que certains événements familiaux, tels que le mariage ou le décès d’un proche. Le texte visait à proposer un « référentiel commun » applicable à l’ensemble de la fonction publique.
En l’absence de ce décret, l’octroi de ces autorisations restait largement laissé à l’appréciation des administrations. Le contraste entre services et ministères pouvait produire des pratiques hétérogènes, parfois contradictoires, selon les règles internes de chaque employeur public.
Conséquences de la décision et enjeux pour les agents
En ordonnant la publication du décret sous six mois, le Conseil d’État contraint l’exécutif à préciser les règles d’application de la loi de 2019. La décision ouvre la voie à une normalisation des droits des agents publics en matière d’autorisations d’absence rémunérées. Elle devrait réduire les différences de traitement entre administrations et limiter la place du seul pouvoir discrétionnaire local.
Pour les agents concernés, l’enjeu est concret : une liste réglementairement fixée apporterait plus de clarté sur les situations ouvrant droit à absence rémunérée et sur leurs conditions d’octroi. Elle pourrait également faciliter le recours juridique en cas de refus, puisque l’existence d’un cadre précis permettrait de comparer les décisions prises aux exigences du droit.
Ce qui reste à préciser
La décision du Conseil d’État impose un calendrier, mais elle ne dicte pas le contenu exact du décret. Plusieurs questions réglementaires demeurent donc ouvertes : quelles seront les situations précisément visées, quelles modalités de justification seront exigées, et comment seront articulées ces autorisations avec d’autres dispositifs (congés, temps partiel, dispositifs familiaux existants) ?
De même, la portée pratique de l’harmonisation dépendra de choix techniques et administratifs que le gouvernement devra opérer. Le texte final pourra varier selon les arbitrages ministériels sur la durée des absences, les conditions de rémunération et les contrôles à mettre en place.
Une étape dans la mise en œuvre d’une loi ancienne
Cette injonction souligne la difficulté, parfois longue, de mettre en œuvre certaines dispositions législatives. Le décret attendu par la loi de 2019 n’ayant pas été publié depuis plusieurs années, le recours individuel a servi de déclencheur pour contraindre l’exécutif à agir.
Au-delà du cas particulier qui a donné lieu au litige, la décision du 10 décembre rappelle que l’absence de textes réglementaires peut produire des inégalités pratiques entre agents publics. Le choix d’un référentiel commun vise précisément à réduire ces inégalités et à garantir une application plus uniforme des droits liés à la parentalité et aux événements familiaux.
La mise en œuvre effective du décret et ses implications concrètes pour les agents restent à observer une fois le texte publié dans les six mois impartis par le Conseil d’État. En l’état, la décision confirme la nécessité de préciser par voie réglementaire des mesures promises par la loi et de garantir leur application homogène au sein de la fonction publique.





