Semaine à haut risque pour l’exécutif : au débat budgétaire menacé d’enlisement s’ajoute une colère agricole qui ne faiblit pas. Les mobilisations d’éleveurs de bovins se poursuivent contre le protocole gouvernemental destiné à contenir la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), maladie apparue fin juin en Savoie.
Un protocole d’abattage systématique contesté
Le protocole imposerait l’abattage systématique des cheptels contaminés dès la détection d’un premier cas, une mesure qui suscite une forte opposition dans les zones concernées, notamment dans le Sud-Ouest où plusieurs foyers ont été identifiés. La DNC affecte les bovins ; selon les éléments rendus publics, elle n’est pas transmissible à l’homme.
Pour de nombreux éleveurs, l’abattage précoce apparaît comme une réponse lourde, qui menace des exploitations déjà fragiles. Les représentants agricoles dénoncent un choix administratif brutal, pris sans garanties suffisantes sur les compensations financières et les critères de déclenchement des mesures.
Du côté des autorités, le protocole est présenté comme un moyen rapide et clair pour endiguer la propagation du virus et protéger l’ensemble du secteur. Les craintes exprimées par les éleveurs portent autant sur l’impact économique que sur les conditions sanitaires et logistiques de mise en œuvre.
Mobilisations et blocages : le spectre d’une guérilla routière
Les syndicats agricoles ont annoncé des actions déterminées pour s’opposer aux abattages, allant de manifestations locales à des opérations de blocage d’autoroutes et de routes nationales. Ces initiatives visent à exercer une pression forte sur le gouvernement afin de faire évoluer le protocole et d’obtenir des garanties supplémentaires.
« Ça fait des mois que c’est inflammable. Personne ne se posait la question de savoir si ça allait arriver ou pas, la question c’était : quand et où ? » a déclaré Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole, sur BFM-TV samedi. Ce diagnostic souligne le caractère longuement alimenté des tensions dans le monde agricole.
Le souvenir de la crise agricole de 2024 plane également sur les réactions de l’exécutif. Les autorités reconnaissent le risque d’escalade : la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a évoqué dimanche, sur Europe 1, « un mal-être plus profond » qui se traduit aujourd’hui par une colère structurée et visibles sur le terrain.
Concrètement, les ponts entre contestation politique et actions de terrain rendent la gestion de la crise plus complexe. Les forces de l’ordre et les collectivités locales sont ainsi confrontées à la nécessité de concilier maintien de l’ordre, libre-circulation et protection des intérêts économiques locaux.
Un calendrier politique serré et des enjeux européens
Hasard du calendrier, les États membres de l’Union européenne doivent se prononcer, cette semaine et avant le 20 décembre, sur l’accord de libre-échange prévu entre l’UE et les pays du Mercosur. Cet accord est vivement contesté par une large partie de la profession agricole, qui le juge déloyal vis-à-vis des producteurs européens.
Le gouvernement a, de son côté, adopté une posture critique à l’égard du traité, le qualifiant d’« inacceptable en l’état ». Ce positionnement tente de concilier les engagements diplomatiques et commerciaux avec la nécessité de répondre aux préoccupations intérieures des agriculteurs.
La conjonction de la crise sanitaire animale, du mécontentement agricole et d’un rendez-vous européen important crée un contexte politique particulièrement tendu. Le risque d’une série d’actions coordonnées ou d’une intensification des blocages inquiète les observateurs, alors que les marges de manoeuvre budgétaires et politiques restent contraintes.
Au-delà des périmètres immédiats de la DNC et du Mercosur, la situation met en lumière des fractures structurelles dans le monde agricole : vulnérabilité financière des exploitations, défiance envers les décisions politiques nationales et européennes, et difficulté à faire converger réponses sanitaires et soutien économique.
Dans les prochains jours, l’exécutif devra à la fois contenir la propagation du virus, apaiser les tensions sociales et préciser sa position sur le dossier commercial européen. L’issue des débats — sanitaire, politique et social — déterminera en grande partie la capacité du gouvernement à éviter un nouvel embrasement dans les campagnes.





