Le Conseil constitutionnel a rejeté, vendredi 3 octobre 2025, la demande formulée par Jacques Lalié, élu indépendantiste de Nouvelle-Calédonie et ancien président de la Province des îles. L’élu contestait sa déchéance d’office prononcée après une condamnation pénale assortie d’une inéligibilité assortie d’exécution provisoire.
Les faits et la procédure
Jacques Lalié avait été condamné en appel le 26 novembre 2024 pour favoritisme dans un marché public. La cour d’appel lui a infligé douze mois d’emprisonnement avec sursis, une amende de 8 000 euros et une inéligibilité de deux ans, laquelle a été assortie d’une exécution provisoire.
Trois jours après cette condamnation — soit le 29 novembre 2024 — un arrêté du haut-commissaire de la République a prononcé la démission d’office de M. Lalié. L’élu a alors saisi le juge constitutionnel en déposant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour contester cette mesure et la conformité de la procédure au droit constitutionnel.
La question de l’exécution provisoire
Au cœur du litige se trouve la portée de l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité. Dans une décision rendue le 28 mars 2025, le Conseil constitutionnel a précisé que l’exécution provisoire ne peut conduire à la déchéance immédiate d’un parlementaire avant que sa condamnation ne soit devenue définitive. Cette décision, reprise publiquement par la leader du Rassemblement national, Marine Le Pen, distingue les représentants nationaux des élus locaux en matière d’effet immédiat des peines d’inéligibilité.
Dans le cas de M. Lalié, qui cumulait des fonctions locales (ex-président de la Province des îles) et un mandat au sein du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, la question était de savoir si la règle dégagée en mars 2025 s’appliquait à sa situation et autorisait ou non la déchéance d’office prononcée par le haut-commissaire.
La décision du 3 octobre 2025 et ses motifs (synthèse)
Le Conseil constitutionnel, saisi de la QPC, a finalement rejeté la demande de M. Lalié le 3 octobre 2025. Le rejet indique que, au regard des éléments fournis dans la saisine, la déchéance d’office décidée après la condamnation avec exécution provisoire n’était pas jugée contraire à la Constitution dans les circonstances exposées au juge constitutionnel.
Le dossier articule donc plusieurs principes : la protection du mandat parlementaire contre une déchéance avant l’épuisement des voies de recours, d’une part ; et la possibilité pour l’autorité administrative locale d’appliquer une déchéance lorsque l’inéligibilité est assortie d’exécution provisoire, d’autre part. La décision du 28 mars 2025 avait clairement opéré une distinction entre ces catégories d’élus, mais son champ d’application concret continue d’être discuté au fil des dossiers soumis au juge constitutionnel.
Enjeux et débat public
Le cas Lalié illustre la tension entre la nécessité de garantir l’intégrité des institutions et le principe de présomption de stabilité des mandats électifs jusqu’à l’extinction des voies de recours. Les partisans d’une mise à l’écart immédiate des élus condamnés estiment qu’elle préserve la confiance publique ; les défenseurs d’un maintien du mandat tant que la condamnation n’est pas définitive invoquent la sécurité juridique et la protection des libertés publiques.
Le débat n’est pas clos : la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel et les décisions administratives continuent d’affiner la frontière entre élus nationaux et élus locaux. Dans l’immédiat, la décision rendue le 3 octobre 2025 met fin à la contestation de M. Lalié, mais elle laisse subsister des questions d’interprétation pour d’autres cas où les fonctions et les statuts des élus sont mixtes ou ambigus.
Sur le plan procédural, cette affaire rappelle aussi l’importance de la QPC comme mécanisme de contrôle des règles qui régissent la perte des mandats. C’est par ce canal que les règles relatives à l’exécution provisoire et à l’inéligibilité sont aujourd’hui précisées, dossier par dossier.
Enfin, la portée politique de telles décisions — notamment lorsqu’elles sont invoquées publiquement par des responsables partisans — alimente le débat démocratique sur la transparence et la responsabilité des élus. Le cas de Jacques Lalié restera à ce titre une référence locale et un jalon dans l’évolution de la jurisprudence sur l’exécution provisoire et la déchéance des mandats.