Lors des débats sur la réforme des retraites, plusieurs députés ont présenté la baisse de la natalité comme la « menace la plus grave » pesant sur le système par répartition. Leur argument : à terme il y aura davantage de retraités et moins de cotisants, ce qui alourdirait la charge pour chaque actif. Cette évolution démographique, soulignent-ils, ne produit pleinement ses effets qu’à long terme — il faut en effet attendre que les enfants d’aujourd’hui rejoignent le marché du travail, une échéance qui se situe plutôt au-delà de vingt ans pour mesurer l’impact plein et entier.
Face à ce constat, certains députés libéraux ont relancé le débat sur la retraite par capitalisation, modèle dans lequel les revenus futurs des retraités dépendent du rendement des fonds de pension et non du rapport immédiat entre actifs et retraités.
Pourquoi la natalité est-t-elle invoquée maintenant ?
L’argument démographique repose sur une mécanique simple : dans un système par répartition, les cotisations des actifs financent les pensions versées aux retraités. Si le nombre d’actifs diminue relativement au nombre de retraités, le financement devient plus tendu sans ajustements de taux de cotisation, d’âge de départ ou de montant des pensions. Mais cette pression financière ne se matérialise pas instantanément — elle suit le rythme des cohortes de naissance et de leur entrée sur le marché du travail. C’est pourquoi les inquiétudes actuelles sur la natalité renvoient surtout à des effets structurels à moyen et long terme.
Cette temporalité explique aussi la tentation de promouvoir des solutions montrant des résultats plus rapides, comme la capitalisation, ou d’envisager des mesures immédiates d’adaptation du système par répartition. Les deux approches n’agissent pas sur les mêmes leviers ni avec les mêmes conséquences sociales.
Capitalisation et natalité : une concurrence de ressources
La retraite par capitalisation n’est pas neutre à l’égard de la natalité. Élever un enfant mobilise des ressources financières qui, autrement, pourraient être épargnées et investies en vue de la retraite. Selon les travaux d’Antoine Math, à l’Institut de recherches économiques et sociales, le coût net d’un enfant s’élèverait à environ 650 euros par mois une fois déduites les aides publiques. Sur la période allant de la naissance jusqu’à 20 ans, ce poste représenterait en moyenne 156 000 euros pour les parents, toujours d’après cette estimation. L’auteur note que des chiffrages comparables ont été observés dans des pays voisins.
Si ces sommes étaient systématiquement placées dans un fonds de pension, elles augmenteraient le montant des prestations futures pour les cotisants concernés. À l’inverse, choisir d’avoir et d’élever des enfants peut être vu, du strict point de vue financier individuel, comme une « opportunité manquée » d’investissement. Cette logique illustre le conflit d’incitations entre un modèle individuel d’épargne-retraite et un modèle collectif fondé sur la solidarité intergénérationnelle.
La logique de la répartition et la « solidarité au présent »
Dans le régime par répartition, la solidarité s’exerce immédiatement : les cotisations des actifs financent les pensions des retraités aujourd’hui. Le texte original avance un calcul selon lequel 81 % des actifs seraient les enfants des retraités ; cette formulation vise à souligner que la plupart des cotisants entretiennent un lien familial direct avec une génération déjà retraitée et participent ainsi au financement des pensions parentales. Les chiffres et la méthode de calcul ne sont pas détaillés ici ; ils renvoient à une lecture démographique et aux proximités intergénérationnelles au sein des ménages.
Le retraité sans enfant est ensuite qualifié de « passager clandestin » dans cette argumentation : il reçoit une pension financée par les cotisations d’enfants d’autres ménages. Ce qualificatif provoquera des réactions : nombre de retraités rappellent que leur pension constitue la contrepartie des cotisations versées durant leur vie active et non un simple don. C’est une objection classique qui met en lumière la double lecture possible du système — contribution passée contre nécessité de solidarité présente.
En synthèse, le débat oppose deux logiques économiques et sociales : d’un côté, un modèle de capitalisation centré sur l’épargne individuelle et le rendement des placements ; de l’autre, un modèle par répartition reposant sur une solidarité immédiate entre générations. Les données chiffrées citées — 650 euros par mois et 156 000 euros par enfant jusqu’à 20 ans — attirent l’attention sur le coût privé de l’éducation et sur les effets potentiels des choix familiaux sur l’épargne retraite. Elles n’écartent cependant pas la complexité des arbitrages politiques et sociaux nécessaires pour maintenir l’équilibre d’un système de retraite durable.





