La Collectivité européenne d’Alsace (CEA) a exprimé lundi 11 août une vive opposition à l’éventualité de la suppression de jours fériés spécifiques à l’ancienne région Alsace, réaffirmant que « le droit local n’est pas négociable ». La réaction fait suite aux propositions avancées par le Premier ministre, François Bayrou, le 15 juillet, lors de la présentation du plan budgétaire 2026 visant à réduire le nombre de jours fériés nationaux afin d’augmenter les recettes de l’État.
Le point sur la polémique et les propositions gouvernementales
Lors de son intervention, le Premier ministre a évoqué la possibilité de supprimer « deux jours fériés pour tout le pays », citant en exemple le lundi de Pâques et le 8 mai, et se disant « prêt à accepter d’autres idées ». Selon lui, une telle mesure rapporterait « plusieurs milliards » pour les finances publiques. Dans un document d’orientation rendu public par Les Échos, le gouvernement a par ailleurs laissé entendre qu’il pourrait prévoir des « éventuelles spécificités » pour des territoires où la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 ne s’applique pas, notamment l’Alsace‑Moselle et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.
Ces annonces ont déclenché une forte réaction de la CEA, qui rappelle que la région bénéficie déjà de spécificités issues du droit local, comme le maintien du Vendredi saint et du 26 décembre comme jours fériés. Pour la collectivité — dont l’assemblée est à majorité Les Républicains —, la disparition progressive de ces dispositions constituerait « une attaque des fondements mêmes du droit local » et une atteinte à une « identité juridique, historique et culturelle » jugée non négociable.
Enjeux historiques, juridiques et symboliques
Sur le plan symbolique, l’idée de supprimer le 8 mai suscite une sensibilité particulière en Alsace, région lourdement marquée par les occupations, annexions et traumatismes des deux guerres mondiales. Le 8 mai, commémorant la victoire des Alliés en 1945, a connu un statut fluctuant dans l’histoire républicaine (journée de commémoration dès 1946, jour férié intermittent puis rétabli en 1981) ; sa suppression envisagée ravive donc des questions de mémoire collective.
La mention du lundi de Pâques par le Premier ministre — qualifié dans ses propos rapportés de n’avoir « aucune signification religieuse » — a aussi été perçue comme réductrice par des observateurs : si le lundi de Pâques est aujourd’hui un jour férié dans de nombreux pays, son origine reste ancrée dans le calendrier chrétien, même si sa dimension sociale et laïque est prédominante dans les usages contemporains.
Sur le plan juridique, toute modification des jours fériés nationaux se heurte à la complexité du droit local en Alsace‑Moselle, hérité d’un contexte historique particulier et entretenu par des textes spécifiques. Le gouvernement semble conscient de cette singularité, d’où l’éventuelle idée de « spécificités », mais la CEA considère que toute remise en cause serait une violation des protections locales.
La députée du Haut‑Rhin Brigitte Klinkert (Renaissance) a indiqué, selon l’AFP, avoir échangé par texto avec le Premier ministre, qui lui a assuré qu’il n’envisageait pas de modification des jours fériés alsaciens. Cette déclaration tempère provisoirement les inquiétudes mais n’enlève rien à la nécessité d’un examen précis des textes et des intentions gouvernementales.
Évaluation de la fiabilité des sources
Les informations de cet article reposent principalement sur des dépêches et des documents cités dans la presse : Les Échos, l’Agence France‑Presse (AFP) et la reprise par Le Monde (« Le Monde avec AFP »). Ces trois médias sont des sources reconnues en France mais présentent des niveaux d’accès et d’objectivité différents.
– L’AFP : agence de presse nationale réputée pour la vérification des faits et la diffusion de dépêches neutres. Ses comptes rendus d’échanges officiels (déclarations politiques, communiqués) sont généralement fiables et constituent une source primaire pour ce type d’information.
– Les Échos : quotidien économique influent et bien informé sur les documents gouvernementaux et les orientations budgétaires. Sa publication du document d’orientation gouvernemental est plausible, mais l’accès au texte intégral et la vérification des citations restent nécessaires pour éviter toute interprétation hâtive.
– Le Monde : quotidien de référence qui a repris la dépêche AFP. Sa mention « Le Monde avec AFP » indique une reprise plutôt qu’une enquête autonome, ce qui limite l’apport d’éléments supplémentaires.
Pour une compréhension complète et définitive, il conviendrait de consulter directement les documents officiels du gouvernement (texte d’orientation, allocutions de Matignon) et les communiqués de la CEA, ainsi que des analyses juridiques sur le régime du droit local en Alsace‑Moselle.
En l’état, la polémique illustre la sensibilité d’un débat qui touche à la fois au budget national, à la mémoire historique et à des protections juridiques locales : autant d’éléments qui exigent transparence des sources et précisions légales avant toute modification durable.