Confirmation de la démission d’office
Le Conseil d’État a confirmé, lundi 10 novembre, la démission d’office de Marine Le Pen de son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais, prononcée par le préfet après sa condamnation en mars à une peine d’inéligibilité. La dirigeante du Rassemblement national contestait devant la plus haute juridiction administrative la décision du tribunal administratif de Lille, qui avait déjà rejeté son recours contre l’arrêté préfectoral et refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité.
Dans son pourvoi, Mme Le Pen soutenait que les dispositions législatives ayant entraîné sa démission d’office « ne respectaient pas le principe d’égalité devant la loi en raison d’une différence de traitement entre les conseillers départementaux et les parlementaires dont la déchéance du mandat n’intervient qu’en cas de condamnation devenue définitive à une peine d’inéligibilité ». Le Conseil d’État a toutefois estimé que ces règles du Code électoral étaient applicables « telles qu’interprétées de façon constante par la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle un élu local condamné à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire doit être démis d’office par le préfet ».
Les hauts magistrats ont aussi rappelé que le Conseil constitutionnel avait, en mars dernier, déclaré « conformes à la Constitution les dispositions législatives applicables aux conseillers municipaux », une situation jugée « similaire » à celle des conseillers départementaux. Ces références à la jurisprudence et à la doctrine constitutionnelle ont servi de fondement à la confirmation de la démission d’office.
Contexte judiciaire et calendrier de l’appel
Cette décision s’inscrit dans un dossier plus large, lié à l’enquête sur les assistants parlementaires d’eurodéputés du Rassemblement national. Marine Le Pen avait été condamnée le 31 mars dans cette affaire à quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans ferme aménagés sous bracelet électronique, à une amende de 100 000 euros et à une inéligibilité immédiate de cinq ans. L’instruction reprochait d’avoir organisé un système de rémunération d’employés du parti avec des fonds du Parlement européen, pour un montant estimé à 4 millions d’euros entre 2004 et 2016.
La dirigeante politique a déjà vu, le 15 octobre, un autre de ses recours rejeté par la plus haute juridiction administrative, qui avait refusé de transmettre une première question prioritaire de constitutionnalité relative à l’application immédiate de sa peine d’inéligibilité.
Un procès en appel est programmé du 13 janvier au 12 février. La décision de la cour d’appel est attendue environ quatre mois après l’audience. Dans l’hypothèse d’une confirmation de la peine, Mme Le Pen a reconnu qu’elle ne pourrait « évidemment pas » se porter candidate à la présidentielle de 2027, déclarant qu’elle prendrait « ma décision de me présenter ou non lors du rendu de l’arrêt de la cour d’appel ». Elle a ajouté vouloir éviter un suspense prolongé en cas de pourvoi en cassation, afin « de ne pas hypothéquer la candidature de Jordan Bardella dans le cas où il devrait y aller », selon un entretien publié dans le magazine Causeur.
Conséquences politiques et juridiques
La confirmation de la démission d’office soulève des questions sur la distinction de traitement entre élus locaux et parlementaires, point soulevé par la défense. Les magistrats administratifs ont néanmoins retenu la cohérence juridique entre l’application du Code électoral aux conseillers municipaux et départementaux et la jurisprudence constante du Conseil d’État.
Sur le plan politique, l’inéligibilité immédiate de cinq ans compromet la perspective d’une candidature de Marine Le Pen en 2027 si la peine est confirmée en appel. Le calendrier annoncé — appel en janvier-février et décision quelques mois plus tard — laisse toutefois ouvertes des manœuvres judiciaires possibles, comme le pourvoi en cassation, qui peuvent prolonger la procédure sans modifier immédiatement les conséquences administratives déjà actées.
Au-delà du cas personnel de la dirigeante du RN, l’affaire illustre la manière dont les juridictions françaises appliquent les règles d’inéligibilité et de déchéance de mandat lorsque des peines sont assorties d’une exécution provisoire. Les autorités administratives, en l’occurrence le préfet, disposent d’un pouvoir de constat et d’exécution qui s’inscrit dans le cadre légal et jurisprudentiel rappelé par le Conseil d’État.
Enfin, la tenue de l’appel et la publication de l’arrêt de la cour d’appel constitueront des étapes décisives pour la suite du dossier, tant sur le plan judiciaire que politique. Les parties concernées ont déjà annoncé qu’elles se conformeraient aux délais et voies de recours prévus par la procédure.





