Le programme du Rassemblement national (RN) en cas d’élections législatives anticipées et d’une éventuelle nomination à Matignon reste encore à préciser, mais un objectif politique précis circule déjà au sein du camp lepéniste. Il s’agit d’un projet de loi visant à permettre à Marine Le Pen de se porter candidate à l’élection présidentielle de 2027, malgré une condamnation qui lui vaut une peine d’inéligibilité.
Un projet de loi ciblé et assumé
Selon les informations diffusées dans les rangs parlementaires, les responsables du RN ne cacheraient pas leur volonté de faire voter, si les circonstances électorales le leur permettaient, une loi « sur mesure » destinée à lever ou contourner l’inéligibilité de leur candidate. Cette mesure viserait explicitement la députée du Pas-de-Calais, actuellement frappée d’une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire liée à l’affaire des assistants parlementaires du FN, devenu RN en 2018.
Cette stratégie législative, présentée par ses promoteurs comme une réparation juridique, est perçue par plusieurs figures centristes comme l’une des motivations possibles derrière l’empressement affiché de Marine Le Pen à réclamer une dissolution de l’Assemblée nationale. Le doute porte sur le calendrier et sur l’avantage politique qu’une campagne législative anticipée pourrait offrir au RN.
Contexte judiciaire et calendrier
La condamnation qui entraine l’inéligibilité a fait l’objet d’un appel. Le texte de départ rappelle que le deuxième procès est prévu à partir de janvier 2026. L’exécution provisoire de la peine signifie, dans la formulation utilisée par les acteurs concernés, que la sanction produit immédiatement certains effets, dont l’inéligibilité, en attendant l’issue définitive de la procédure d’appel.
Ce calendrier judiciaire pèse sur les débats politiques. Si une nouvelle majorité issue d’élections législatives venait à nommer un gouvernement soutenu par le RN, le pouvoir d’initiative législative et la priorité des textes pourraient permettre au camp lepéniste d’inscrire rapidement une réforme. Les promoteurs de ce scénario l’envisagent comme une réponse institutionnelle au refus de laisser se présenter leur candidate.
Stratégies politiques et enjeux démocratiques
La perspective d’un texte ciblé soulève des questions politiques et symboliques, au-delà de son efficacité juridique éventuelle. Pour le RN, l’argument est simple : éviter qu’une condamnation empêche une personnalité politique de concourir. Pour ses opposants, la manœuvre risque d’être perçue comme une instrumentalisation du processus législatif à des fins personnelles.
Historiquement, la famille Le Pen a souvent exploité ce type de confrontation judiciaire et politique pour cristalliser le rejet des « élites » et mobiliser une base électorale autour de la figure de l’injustement poursuivie. Le scénario décrit ici prolonge donc une stratégie politique connue, qui mêle recours judiciaire, bataille d’opinion et action parlementaire.
Les observateurs relèvent aussi des risques politiques : une loi manifestement ciblée pourrait provoquer une forte réaction de l’opinion publique, alimenter des critiques sur l’équité des règles de la représentation, et susciter des débats sur la légitimité des institutions.
Ce qu’il faudra surveiller
Plusieurs éléments permettront de suivre la trajectoire de ce dossier. D’abord, le calendrier procédural lié au recours en appel et au second procès annoncé pour janvier 2026. Ensuite, les décisions tactiques du RN concernant une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue d’élections législatives anticipées.
Enfin, la nature exacte du projet de loi que le RN pourrait proposer restera déterminante : texte généralista sur l’inéligibilité, modification procédurale applicable à tous ou disposition expressément visant une personne. Ces distinctions auront des conséquences politiques et juridiques différentes.
Au terme, l’issue dépendra de choix combinés — judiciaire, parlementaire et électoral — qui convergeront ou non vers la mise en place d’une réforme susceptible de modifier la possibilité pour Marine Le Pen de se présenter à la présidentielle de 2027. À ce stade, le projet est discuté et anticipé, mais il n’a pas encore franchi d’étape législative formelle.