Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2026, les sénateurs ont relancé, samedi 29 novembre, un débat ancien sur la contribution des « géants du Net » au financement des infrastructures numériques. Un amendement adopté lors de la séance propose d’imposer une « contribution exceptionnelle » aux grandes plateformes qui, selon le texte, pèsent fortement sur le trafic Internet.
Ce que prévoit l’amendement
L’amendement vise explicitement cinq acteurs américains : Netflix, Akamai, Google, Meta et Amazon. Il avance que ces entreprises « génèrent près de la moitié du trafic Internet en 2024 », en s’appuyant sur les chiffres publiés par l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste.
Pour compenser l’impact de ce « trafic massif » sur les réseaux, le texte propose de taxer ces plateformes à hauteur de 1 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France. La contribution serait « affectée au financement, à la modernisation et à la résilience des réseaux et infrastructures numériques », précise le texte.
Le montant que pourrait rapporter cette mesure n’est pas indiqué dans l’amendement et reste, à ce stade, indéterminé. Le texte ne détaille pas non plus les modalités administratives et juridiques de collecte, ni l’éventuel périmètre précis des activités imposables.
Motivations : coûts d’investissement et pression sur les opérateurs
L’argument central avancé par les auteurs de l’amendement est économique : le trafic important généré par les grandes plateformes contraint les opérateurs télécoms à accélérer leurs investissements dans les réseaux, notamment pour le déploiement de la fibre et des infrastructures 5G.
Selon le texte, ces investissements sont nécessaires pour assurer la qualité de service et la résilience des réseaux face à une consommation de données en forte croissance. Les collectivités territoriales, représentées au Sénat, ont, par ailleurs, fait remonter des difficultés économiques liées à certains réseaux fixes déployés en milieu rural, ce qui renforce la sensibilité du Sénat au sujet.
Un contexte européen et un lobbying persistant
La question de la participation financière des plateformes aux coûts d’acheminement n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, les opérateurs télécoms mènent un lobbying soutenu à Bruxelles pour obtenir une contribution des acteurs du Net au financement des réseaux.
Le dossier est d’autant plus sensible que l’Union européenne travaille sur une nouvelle législation relative aux réseaux numériques, attendue d’après le texte « d’ici à la fin de l’année ». Cette future loi européenne devrait préciser si et comment un mécanisme similaire pourrait être institué au niveau communautaire, ce qui pourrait influer sur la portée et la faisabilité de la mesure adoptée au Sénat.
Zones d’incertitude et questions ouvertes
Plusieurs éléments demeurent flous après l’adoption de l’amendement. Le rendement attendu de la taxe à 1 % n’est pas chiffré, et la répartition exacte des fonds entre différents types d’investissements (fibre, 5G, résilience) n’est pas précisée.
Sur le plan juridique, l’application d’une contribution nationale visant des acteurs internationaux pose des questions de compatibilité avec le droit européen et les accords commerciaux, ainsi que des problématiques pratiques liées à la définition du chiffre d’affaires « réalisé en France » pour des entreprises numériques globales.
Enfin, l’amendement n’indique pas non plus comment seront prises en compte les intermédiaires techniques ou les fournisseurs de contenus moins importants que les cinq noms cités, ce qui laisse ouvertes des interrogations sur l’étendue exacte du dispositif.
En l’état, l’adoption par le Sénat remet sur le devant de la scène un débat traversant les sphères politiques, économiques et réglementaires : qui doit financer l’adaptation et la modernisation des réseaux face à l’essor du trafic numérique ?





