Lors d’une prise de parole sur le perron de l’hôtel de Matignon, le premier ministre a confirmé, vendredi 3 octobre, qu’il n’envisageait pas de remettre en cause le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Cette mesure, issue de la réforme très controversée de 2023, demeure donc en vigueur, malgré l’opposition marquée des syndicats et d’une partie de l’échiquier politique situé à gauche et à l’extrême droite.
Maintien de la mesure centrale : une porte fermée
Sébastien Lecornu a été catégorique sur ce point : il n’y aura pas de « rupture » sur les retraites en ce qui concerne l’âge légal. Par ces mots, il écarte explicitement l’idée d’un retour au seuil précédant la réforme de 2023. Le choix du chef du gouvernement met fin, pour l’instant, aux espoirs des oppositions qui réclamaient l’abrogation ou la correction de cette disposition.
Dans ses déclarations, le premier ministre a souligné la nécessité d’adopter une posture de compromis plutôt qu’une logique binaire. Il a ainsi rejeté la lecture manichéenne « pour » ou « contre » et a plaidé pour une approche visant à améliorer la loi plutôt qu’à la renverser.
Améliorer la loi du 14 avril 2023 : orientation vers des ajustements
Sans remettre en cause le relèvement de l’âge légal, Sébastien Lecornu a annoncé sa volonté d’examiner « comment on améliore » la loi du 14 avril 2023, en ciblant en particulier les questions de pénibilité pour les femmes. Cette expression traduit l’intention du gouvernement d’engager des ajustements ciblés sur certains aspects sociaux et professionnels, plutôt que de procéder à une refonte globale de la réforme.
Cette position fait écho à une lettre adressée mardi 30 septembre aux syndicats et au patronat, dans laquelle le premier ministre précise sa méthode. Il y indique qu’il reprendra, dans le budget de la Sécurité sociale pour 2026, des mesures élaborées en juin à l’issue des négociations sur les retraites entre partenaires sociaux.
Les discussions de juin avaient abouti à un projet d’accord sur plusieurs pistes d’intervention, mais les parties n’étaient pas parvenues à trouver un accord formel. Le gouvernement se dit aujourd’hui prêt à s’en inspirer pour bâtir des mesures concrètes, en particulier pour améliorer la prise en compte de la pénibilité subie par certaines catégories professionnelles et par les femmes.
Un calendrier et des choix politiques
En annonçant l’intégration de ces mesures au budget de la Sécurité sociale pour 2026, l’exécutif inscrit sa démarche dans une temporalité budgétaire précise. Cette décision renvoie aux arbitrages qui seront rendus lors de la préparation du projet de loi de finances et du rapport de la Sécurité sociale, étapes où seront discutées les modalités techniques et financières des ajustements projetés.
Le maintien de l’âge légal à 64 ans conjugué à la promesse d’ajustements ciblés traduit un double objectif : préserver la trajectoire financière définie par la réforme de 2023, tout en tentant d’apaiser les critiques sociales en proposant des mesures compensatoires ou correctrices. Le détail de ces mesures, leur portée et leur calendrier d’application restent cependant à expliciter par le gouvernement.
Réactions attendues et perspectives
La confirmation du maintien du relèvement de l’âge légal devrait raviver les critiques des organisations syndicales et de groupes politiques opposés à la réforme. Ceux-ci avaient déjà exprimé leur hostilité lors de l’adoption de la loi en 2023 et pourraient demander des contreparties plus substantielles que de simples ajustements ciblés.
Du côté du gouvernement, l’option choisie — améliorer la loi sans l’abroger — vise à ouvrir un espace de négociation avec les partenaires sociaux, tout en conservant la colonne vertébrale de la réforme. Le succès de cette stratégie dépendra de la capacité des autorités à traduire en mesures opérationnelles les accords partiellement esquissés lors des discussions de juin, et à convaincre les acteurs sociaux de leur pertinence.
Sur le plan politique, la démarche place le débat sur un terrain technique et budgétaire. Elle appelle désormais des précisions sur les contours des mesures envisagées, leur coût et les publics ciblés, notamment en ce qui concerne la reconnaissance de la pénibilité pour les femmes, sujet explicitement cité par le premier ministre.
Jusqu’à la présentation du budget de la Sécurité sociale pour 2026 et des textes d’application éventuels, la loi du 14 avril 2023 reste le cadre en vigueur. Les prochaines étapes seront donc les arbitrages budgétaires et les négociations entre l’État, les syndicats et le patronat, qui devraient déterminer l’ampleur réelle des changements proposés.