Quarante-trois kilogrammes de cocaïne saisis, des colis pistés de la Martinique au Val-d’Oise via le port du Havre, et cinq personnes interpellées : l’enquête semblait conclure à un succès opérationnel pour l’Office anti‑stupéfiants (Ofast).
Une opération menée par l’Ofast Caraïbe
L’affaire débute le 21 juillet, selon la note interne consultée. Les enquêteurs de l’antenne de l’Ofast Caraïbe, basée à Fort‑de‑France, disposaient d’une information de premier plan : de la cocaïne serait dissimulée dans des colis de déménagement expédiés vers la métropole, à destination de Villiers‑le‑Bel (Val‑d’Oise).
Les investigations ont conduit au suivi de plusieurs envois transitant par le port du Havre. Au total, les services ont saisi 43 kg de cocaïne et procédé à l’interpellation de cinq personnes, décrit le document. Sur le plan opérationnel, le dossier paraissait achevé et susceptible d’illustrer les annonces récentes du ministère.
Un contexte politique évoqué dans la note
La note signale qu’à peine une semaine après la visite du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, en Martinique (les 21 et 22 août), des renforts avaient été promis dans la lutte contre ce « tsunami blanc » de cocaïne. Cette coïncidence temporelle donne, toujours selon le document, une dimension symbolique à l’enquête.
Le ton du texte interne est critique : la direction nationale de la police judiciaire, qui a rédigé la note datée du 28 août et diffusée à titre restreint, qualifie l’issue de l’opération de « ratage ». Le Monde a pu consulter ce document, qui rend compte de la chronologie et des motifs de l’échec.
Une « irrégularité de procédure » déterminante
L’élément central du revers tient à une « irrégularité de procédure » qui a transformé l’opération en fiasco, selon la note. En conséquence, les suspects, arrêtés dans le cadre de l’enquête, ont été remis en liberté.
La note précise que l’erreur est « imputable à la justice ». Cette formulation est peu courante dans un document interne et traduit le mécontentement des services chargés des investigations. Le texte interne expose les faits et situe la responsabilité, sans pour autant détailler les moyens juridiques ou techniques ayant provoqué l’irrégularité.
Conséquences et questions ouvertes
Sur le plan judiciaire, la remise en liberté des mis en cause fragilise le dossier et pourrait compliquer toute reprise d’enquête si les preuves recueillies ne sont pas consolidées selon les exigences de procédure. Sur le plan policier, l’épisode met en lumière les difficultés d’articulation entre investigations techniques, suivis transatlantiques de colis et contrôles juridiques.
La note interne souligne l’importance des procédures dans ce type d’affaires internationales, où la traçabilité des envois et la tenue des formalités conditionnent la recevabilité des preuves. Elle illustre aussi la tension existant parfois entre impératifs opérationnels et contraintes judiciaires.
Un document interne à diffusion restreinte
Le fait que ce compte rendu émane de la direction nationale de la police judiciaire et qu’il ait été diffusé à titre restreint montre que l’épisode est pris au sérieux en interne. Le constat de défaillance et la mise en cause explicite d’un « acteur » judiciaire sont des éléments qui expliquent la tonalité inhabituellement sévère du texte.
Le document consulté par Le Monde relate donc une chaîne d’événements concrète : suivi des colis depuis la Martinique, saisie de 43 kg de cocaïne, interpellations, puis remise en liberté pour motif de procédure. Il laisse subsister des questions pratiques et juridiques sur la manière dont l’enquête pourrait être reprise ou complétée, sans que la note ne précise les suites envisagées.