Sauf improbable coup de théâtre, lundi 8 septembre au soir, le premier ministre, François Bayrou, sera tombé. Dès le lendemain, La France insoumise (LFI) déposera une nouvelle procédure de destitution du président de la République. Si elle n’a aucune chance de passer, au regard de son impopularité auprès des parlementaires, elle sera le dernier avatar de la stratégie du populisme de gauche avec laquelle Jean‑Luc Mélenchon a définitivement renoué.
Une offensive politique assumée
De meetings en billets publiés sur son blog, Jean‑Luc Mélenchon multiplie les interventions publiques alors que la crise politique s’enlise. Le leader de La France insoumise a recentré son discours sur des cibles récurrentes : « l’oligarchie », la presse, « les traîtres » et « la gôche », une expression péjorative qui vise principalement le Parti socialiste (PS).
LFI entend ainsi conjuguer l’action parlementaire et la mise en scène médiatique. La procédure de destitution, annoncée pour le lendemain de la chute du gouvernement, a surtout une valeur symbolique : elle formalise une rupture politique nette avec l’exécutif et manifeste la radicalité du positionnement de Mélenchon et de son mouvement.
Des mots qui mobilisent
Le 29 août, lors d’un Moment politique — une allocution d’environ deux heures devant ses militants — Mélenchon a résumé sa ligne par une phrase lapidaire : « Qu’ils s’en aillent tous ! ». Il a repris, par cette formule, le titre de son ouvrage paru en 2010 chez Flammarion, montrant ainsi la continuité de sa rhétorique au fil des années.
Parallèlement, l’ancien sénateur affiche une certaine gourmandise à l’idée d’un rendez‑vous annoncé : le « 10 septembre ». Ce mouvement, né sur les réseaux sociaux, appelle à « mettre la France à l’arrêt » et, d’après les éléments disponibles, se complairait dans l’idée d’un « chaos » susceptible de résulter de cette paralysie. Mélenchon paraît observer et soutenir ces dynamiques de mobilisation, qui réactivent une stratégie de pression populaire.
L’utilisation conjointe de la parole publique et des mobilisations en ligne illustre la manière dont LFI articule aujourd’hui ses gestes politiques : la scène parlementaire sert de caisse de résonance à des appels qui prennent forme hors des institutions, sur les places et dans les fils des réseaux sociaux.
Une procédure à portée symbolique
La nouvelle demande de destitution du président ne dispose pas, selon le raisonnement du camp adverse, des relais nécessaires pour franchir les étapes institutionnelles. Son dépôt immédiat est toutefois pensé comme un acte politique destiné à inscrire l’opposition de LFI dans la durée et à contraindre d’autres forces politiques à se positionner.
Cette stratégie comporte des risques et des avantages pour La France insoumise. Du côté des bénéfices attendus : la consolidation du soutien d’une partie de l’électorat populaire et radicalisé, l’occasion de polariser le débat et d’incarner une alternative frontale au centre et à la gauche modérée. Du côté des risques : l’isolement parlementaire renforcé, la stigmatisation par les adversaires et le risque d’alimenter une escalade verbale difficile à désamorcer.
Enjeux et perspectives
Dans un contexte où la succession d’événements politiques peut faire basculer l’équilibre des forces, la démarche de LFI demeure avant tout une opération de communication politique. Elle vise à montrer la cohérence d’un positionnement radical et à tirer parti des colères sociales et médiatiques.
Reste que, même si la procédure de destitution est vouée à l’échec sur le plan institutionnel, elle a une portée politique réelle : elle cristallise les désaccords, oblige les partis et les élus à se situer et nourrit le registre du conflit public. À court terme, elle contribue à l’approfondissement d’une crise politique marquée par des échanges de plus en plus virulents entre camps adverses.
Sur le fond, cette succession d’initiatives illustre une transformation de la façon de faire de la politique à gauche : l’interpénétration des arènes parlementaires et des mobilisations numériques, la personnalisation des prises de parole et la volonté d’imposer l’agenda politique par la séquence des événements.
Les prochains jours — autour notamment du 10 septembre mentionné par les réseaux — permettront de mesurer jusqu’où ce mélange de symbolique institutionnelle et de pression extra‑parlementaire peut peser sur la stabilité politique et sur la capacité des forces traditionnelles à proposer des réponses. En l’état, la manœuvre de LFI se présente surtout comme l’ultime expression d’une stratégie de rupture, assumée et affichée.