Les prochaines élections municipales, prévues les 15 et 22 mars 2026, introduisent des modifications substantielles du mode de scrutin pour de nombreuses communes françaises, de Marseille (près de 900 000 habitants) aux micro‑communes comme Freycenet‑la‑Cuche (une centaine d’habitants). Ce tour d’horizon détaille les principales nouveautés, leurs effets pratiques et les points de tension soulevés lors des débats parlementaires.
Les petites communes passent au scrutin de liste paritaire
La réforme étend aux communes de moins de 1 000 habitants le scrutin de liste proportionnel paritaire. La France compte 24 935 de ces communes, qui regroupent 8,7 millions d’habitants selon l’Insee, contre 58,9 millions dans les 10 002 autres communes.
Jusqu’en 2020, ces petites communes utilisaient un mode de scrutin spécifique permettant aux candidats de se présenter isolément ou sur une liste, et aux électeurs de « panacher » (rayer, remplacer ou modifier l’ordre des noms). Les suffrages étaient comptabilisés pour chaque candidat individuellement et l’élection pouvait se dérouler en un ou deux tours.
À partir de 2026, les candidatures isolées ne sont plus autorisées : les candidats doivent figurer sur une liste, et chaque liste doit être paritaire, avec autant de femmes que d’hommes alternés. Le panachage est désormais proscrit : un bulletin panaché est considéré comme nul.
Le fonctionnement reste celui du scrutin proportionnel avec prime majoritaire. Si une liste obtient la majorité absolue au premier tour, elle est élue ; sinon un second tour réunit les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages, et la majorité relative suffit alors. La liste victorieuse obtient une « prime majoritaire » correspondant à la moitié des sièges du conseil municipal ; les autres sièges sont répartis proportionnellement entre les listes ayant dépassé 5 % des voix.
Le conseil municipal élu choisit ensuite le maire, en pratique souvent le premier nom de la liste arrivée en tête. Le texte prévoit des adaptations destinées à pallier les difficultés de recrutement de candidats dans les communes de moins de 1 000 habitants, mais le document initial consulté ne détaille pas toutes ces mesures de façon exhaustive.
La réforme ne s’appliquera pas aux scrutins de 2026 en Nouvelle‑Calédonie et en Polynésie française ; ces territoires seront concernés à partir de 2032, avec des adaptations prévues.
Paris, Marseille et Lyon : deux, trois scrutins et une prime majoritaire réduite
Paris, Lyon et Marseille ont un régime particulier. Jusqu’à présent, les électeurs de ces villes votaient pour des conseils d’arrondissement (ou de secteur) et les élus de tête de liste siégeaient simultanément au conseil municipal central, qui désignait ensuite le maire. La loi dite « PLM », promulguée en août, a rapproché le régime de ces villes du droit commun tout en maintenant des spécificités.
Les 15 et 22 mars 2026, les électeurs de Paris, Lyon et Marseille participeront donc à plusieurs scrutins : des élections par arrondissement ou secteur, et des élections au niveau municipal. La loi prévoit que, dans ces trois villes, la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête est réduite : elle représente 25 % des sièges et non 50 %, afin de « ne pas écraser l’opposition », selon Jean‑Paul Mattei (MoDem), rapporteur du texte à l’Assemblée.
Le texte autorise par ailleurs les maires d’arrondissement à assister au conseil municipal et à y être entendus « sur les affaires relatives à l’arrondissement ». Il institue une « instance de coordination » entre le maire central et les maires d’arrondissement et charge le gouvernement de rédiger un rapport évaluant la possibilité de transférer certaines compétences de la mairie centrale aux mairies d’arrondissement.
Les promoteurs de la réforme, portés par le camp macroniste, y voient un moyen de renforcer le lien entre habitants et institutions municipales et d’améliorer la représentation des sensibilités politiques. Le Conseil constitutionnel, saisi du texte, a estimé qu’il poursuivait un « objectif d’intérêt général » et qu’il visait à « améliorer la représentation des diverses sensibilités politiques ».
Les opposants mettent en garde contre un risque d’éclatement entre la mairie centrale et les arrondissements, susceptible, selon eux, de fragiliser la conduite des affaires publiques. Certains détracteurs ont aussi suggéré que la réforme pourrait bénéficier électoralement à des personnalités locales, citant en exemple la possible influence sur la course à la mairie de Paris.
Le vote des personnes détenues et la fin du vote par correspondance aux scrutins locaux
Quelque 57 000 personnes incarcérées disposent du droit de vote. Pour l’exercer, plusieurs modalités existent ; un dispositif introduit en 2019 permettait l’inscription sur la liste électorale du chef‑lieu du département où se trouve la prison. Ce dispositif a été appliqué lors des élections européennes de 2019, mais non lors des municipales de 2020, l’administration pénitentiaire invoquant des difficultés d’organisation.
Depuis la loi du 18 juillet 2025, adoptée avec les voix du Rassemblement national, du bloc central et de la droite, le vote par correspondance en prison est désormais limité. Il demeure possible pour les scrutins à circonscription unique — présidentielles, européennes, référendums — mais n’est plus autorisé pour les scrutins à circonscription locale, comme les législatives et les municipales.
Les partisans de cette restriction estiment que des détenus, souvent privés d’attaches locales, pourraient fausser le résultat d’élections locales si leurs votes s’exprimaient massivement dans des communes où ils représentent une part notable de l’électorat. Des députés de gauche ont dénoncé ce resserrement, rappelant que le vote par correspondance avait été largement utilisé en prison lors de la présidentielle de 2022 : selon le ministère de la Justice, il avait représenté 93 % des suffrages exprimés en détention et contribué à élever le taux de participation en prison à 20 %, contre 2 % en 2017.
Ces réformes configurent un paysage électoral transformé pour 2026, en irrigant les pratiques locales d’une logique plus uniforme tout en posant des questions pratiques et politiques qui ont animé le débat public et parlementaire.





