Dans un courrier adressé au président français Emmanuel Macron, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a exprimé sa « préoccupation par la montée alarmante de l’antisémitisme en France » et a estimé que « l’appel [du président français] à un Etat palestinien alimente ce feu antisémite ». Il accuse par ailleurs M. Macron d’un « manque d’actions décisives pour y faire face ». Ces déclarations interviennent alors que la question de la reconnaissance par la France d’un État palestinien, annoncée « fin juillet », est au cœur d’un débat diplomatique et intérieur sensible.\n\n
La réalité statistique et le contexte
\n\nLa progression des actes antisémites en France depuis plusieurs années est documentée par les autorités et les observateurs. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a enregistré une hausse marquée en 2023, notant une augmentation de +283 % du nombre d’actes antisémites, chiffre qui est resté élevé en 2024. Ces données s’inscrivent dans un contexte international tendu depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, événement qui a alimenté une hausse des violences et des incidents à caractère antisémite dans plusieurs pays.\n\nLes effets concrets sur la vie quotidienne sont également signalés : conversations évitées, kippas dissimulées, mezouzot retirées des portes ou encore départs de certains quartiers. Ces manifestations traduisent un sentiment d’insécurité et d’isolement ressenti par des membres de la communauté juive, qu’ont souligné différents acteurs sociaux et institutions.\n\n
Dimensions politiques et responsabilités
\n\nSur le plan politique, la CNCDH relève que si des préjugés existent à travers l’échiquier politique, ils sont, selon ses observations, plus marqués chez les proches du Rassemblement national que dans d’autres familles politiques. Dans ce paysage, accuser le président de la République d’inaction face à l’antisémitisme est, selon certains observateurs, peu pertinent au regard des déclarations et mesures publiques prises récemment par l’exécutif.\n\nEn revanche, la posture adoptée par M. Nétanyahou a provoqué de fortes réactions. Le chef du gouvernement israélien, visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale et confronté à la lourde facture humaine de l’offensive israélienne à Gaza, a lié l’annonce française à la recrudescence d’incidents antisémites. Plusieurs sources estiment que cet amalgame — identifier la critique d’une politique gouvernementale à une hostilité envers les Juifs en tant que communauté — peut, au contraire, contribuer à alimenter les tensions.\n\n
Conséquences pour le débat public
\n\nDes voix critiques affirment que transformer toute remise en cause des décisions israéliennes en accusation d’antisémitisme a pour effet de fermer le débat politique et d’isoler les initiatives diplomatiques. Selon ces analyses, la présentation de la reconnaissance d’un État palestinien comme facteur d’antisémitisme national revient à disqualifier des démarches de nature politique ou diplomatique, et peut donc fragiliser la recherche de solutions au conflit.\n\nD’autres observateurs notent que la colère du dirigeant israélien est renforcée par le fait que plusieurs pays — le Canada, le Royaume‑Uni et l’Australie sont cités — ont emboîté le pas à la France sur cette question, donnant à la démarche française une visibilité internationale accrue.\n\nEnfin, certains commentateurs reprochent à M. Nétanyahou d’instrumentaliser la question de l’antisémitisme à des fins internes, au moment où il fait face à des pressions politiques et juridiques, tandis que ses détracteurs l’accusent de chercher à rendre inaudible toute critique de sa gestion de la guerre et de ses conséquences humaines.\n\nLa polarisation du débat rend difficile la séparation entre discours légitime contre l’antisémitisme et usages politiques de l’accusation. Les acteurs publics et associatifs soulignent la nécessité de préserver la distinction entre critiques politiques et manifestations de haine ciblée, afin d’adresser efficacement la montée des violences sans entraver l’expression critique dans l’espace démocratique.