C’est la surprise du remaniement : la nomination, dimanche 5 octobre 2025, de Bruno Le Maire au ministère des Armées a pris beaucoup de monde de court après quatre semaines de tergiversations.
Un revirement rendu public en deux temps
Le parcours jusqu’à cette désignation est marqué par un retournement net. Le 22 septembre 2025, dans un entretien à L’Usine Nouvelle, Bruno Le Maire affirmait qu’« entrer dans le gouvernement de son ami et ancien assistant parlementaire Sébastien Lecornu ? Cela est totalement exclu ».
Il justifiait alors son refus par la défaite du camp politique aux élections législatives de 2024 et par la perte, selon lui, des marges de manœuvre nécessaires pour « agir clairement et fermement au service des Français ».
Quinze jours plus tard, le même homme a choisi d’accepter un portefeuille central, invoquant désormais les « circonstances exceptionnelles que traverse la France » pour expliquer qu’« on ne se dérobe pas », a-t-il déclaré dimanche soir sur le réseau X.
Un pari politique risqué
La nomination expose Bruno Le Maire à des critiques renouvelées, en particulier sur sa gestion passée des finances publiques. Beaucoup lui imputent la forte hausse de la dette sous son ministère de l’Économie, poste qu’il a occupé pendant plus de sept ans, de 2017 à 2024.
Durant cette période, la dette publique française est passée d’environ 2 300 milliards à 3 300 milliards d’euros, selon les chiffres cités dans le dossier public. Cette évolution a alimenté pour certains l’image d’un responsable financier aux mains trop larges.
Face à ces reproches, Bruno Le Maire a plaidé sa propre cause. Interrogé à la mi-2024 sur BFM-TV, il avait défendu la hausse de l’endettement en rappelant qu’« si, aujourd’hui, notre niveau de dette est élevé, c’est parce que j’ai sauvé l’économie française » et en renvoyant aux mesures prises pendant la pandémie, menées « quoi qu’il en coûte ».
Malgré ces explications, il a conservé pour certains le surnom de « monsieur 1 000 milliards », appellation qui renvoie à l’ampleur des dépenses publiques et aux débats politiques sur la maîtrise des comptes. Le texte rappelle aussi qu’il avait, à plusieurs reprises, lancé l’alerte sur la situation et proposé des économies qui, selon lui, ont été retoquées par l’Élysée.
Un contexte politique et institutionnel tendu
La désignation intervient dans un contexte politique chargé. Le remaniement a nécessité plusieurs semaines de discussions et d’hésitations, marquées par des arbitrages entre différents responsables. Le choix de confier le portefeuille des Armées à un ancien ministre des Finances illustre la volonté du gouvernement de mobiliser des profils expérimentés, même si cela implique des rapprochements inattendus.
La nomination soulève des questions quant à la rapidité de l’adaptation au nouveau rôle et aux priorités qu’il devra défendre : gestion des effectifs, équipement, dépenses militaires et positionnement stratégique à l’heure où les demandes de défense se multiplient.
Sur le plan politique, ce retour au gouvernement de Bruno Le Maire pourrait être perçu comme un signal envoyé aux partenaires et aux oppositions, mais aussi comme un pari personnel risqué. Sa réputation liée à la gestion de la dette pèsera vraisemblablement sur son autorité et sur la réception publique de ses décisions.
Points de vigilance
Plusieurs éléments resteront à observer dans les prochains jours : les clarifications sur ses priorités budgétaires pour le ministère des Armées, la composition de son cabinet, et la manière dont il articulera ses positions passées sur l’économie avec les besoins de souveraineté et de défense.
En l’état, ce retour marque une inflexion notable dans la carrière d’un responsable longtemps associé aux finances publiques. Il pose aussi la question, plus large, de la façon dont les compétences techniques et les réputations politiques influencent la composition d’un gouvernement en période de tensions nationales.