Une motion de rejet préalable déposée par le groupe macroniste à l’Assemblée nationale a empêché, mercredi 22 octobre, le débat en séance sur la proposition de loi organique visant à reporter les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. La manœuvre était dirigée contre une stratégie d’obstruction, qualifiée de « barrage » par La France insoumise (LFI), qui avait déposé 1 624 amendements répartis sur trois articles du texte.
La motion a été adoptée par 257 voix contre 105. Les députés socialistes se sont abstenus de participer au vote. Le Rassemblement national, tout en affirmant son opposition au report des élections, a voté pour la motion qui a rendu possible cet ajournement. Selon le calendrier indiqué, le texte doit être examiné et adopté en commission mixte paritaire le lundi 27 octobre.
Une stratégie parlementaire tranchée
La décision de porter une motion de rejet préalable visait explicitement à neutraliser l’arsenal d’amendements déposés par LFI. Ce parti avait assumé sa démarche comme une tentative d’obstruction destinée à bloquer l’adoption du texte. La tactique, massive par son nombre d’amendements, a contribué à accélérer les décisions en séance et à provoquer une réaction immédiate du groupe majoritaire.
La manœuvre, qui a pris la forme d’un scrutin clair et rapide, a mis fin au débat prévu et a clos trois jours de discussions intensives et de tractations en coulisses. Le vote majoritaire a permis d’écarter le texte avant son examen détaillé, au motif de l’encombrement procédural causé par les amendements.
Réactions politiques et critiques
Plusieurs responsables politiques ont condamné la séquence, jugeant la méthode inédite et préjudiciable au dialogue parlementaire. « Jamais, dans l’histoire des textes calédoniens, nous n’avons eu une telle manœuvre », a déploré Naïma Moutchou, ministre des Outre-mer, en qualifiant l’obstruction d’inacceptable pour la gestion des dossiers calédoniens.
Philippe Gosselin, rapporteur du texte et député Les Républicains de la Manche, a vivement critiqué la situation en parlant de « faute ». Son accusation souligne le désarroi des parlementaires favorables au report, confrontés à une tactique parlementaire jugée exceptionnelle par ses opposants.
Bastien Lachaud, député de La France insoumise pour la Seine-Saint-Denis, a pour sa part dénoncé le recours à la motion comme une manœuvre anti-démocratique : « Voilà les chantres de la démocratie qui veulent éviter une élection ! En réalité, ils ont peur des résultats qui seraient favorables aux indépendantistes et activent un 49.3 parlementaire. » Cette formule traduit l’acrimonie du débat et la suspicion réciproque entre camps adverses.
Conséquences et incertitudes pour la Nouvelle-Calédonie
La décision de suspendre le débat ouvre des interrogations quant aux conséquences politiques en Nouvelle-Calédonie. Le report des élections provinciales est un sujet sensible, fortement politisé, qui touche directement aux équilibres institutionnels et aux relations entre les différentes forces politiques locales et nationales.
Si le texte est effectivement adopté en commission mixte paritaire le lundi 27 octobre, comme annoncé, la situation pourrait évoluer rapidement. Pour l’instant, la séquence parlementaire signe surtout un durcissement des échanges et une sophistication des tactiques législatives, plutôt qu’un apaisement des tensions.
Les réactions contrastées au sein de l’hémicycle révèlent aussi les limites du compromis politique sur ce dossier. L’absence de participation des socialistes au vote et le soutien paradoxal du Rassemblement national à la motion soulignent les divisions qui traversent l’Assemblée sur la méthode et le fond.
À court terme, la méthode employée et les critiques dont elle fait l’objet risquent d’alimenter un climat de méfiance entre acteurs nationaux et acteurs calédoniens. Le recours massif aux amendements d’un côté, et la réponse par une motion de rejet préalable de l’autre, marquent une escalade procédurale qui pourrait peser sur la trajectoire politique du territoire.
Sans nouvelles propositions de médiation ou d’ouverture du dialogue, la suspension du débat parlementaire laisse planer une incertitude sur la suite des événements en Nouvelle-Calédonie et sur la capacité des institutions à trouver une issue apaisée au conflit politique autour des élections provinciales.