« Faisons le pari de la confiance » : cette formule, qui sous-titre l’accord de Bougival signé le 12 juillet, était affichée en grand sur le mur de l’amphithéâtre de l’université de la Nouvelle-Calédonie lors de la réunion organisée par l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) le samedi 16 août.
Pourtant, l’espoir résumé par cette phrase est fragilisé. Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a décidé de ne plus poursuivre les discussions autour de l’accord, le jugeant « incompatible avec les acquis et fondamentaux de notre lutte ». Cette rupture a creusé un fossé entre les signataires et une partie importante du mouvement indépendantiste.
Contexte politique et mémoire des référendums
Aux yeux de plusieurs acteurs de l’archipel, l’accord de Bougival propose surtout un changement de méthode pour aborder la question de la souveraineté. Depuis l’accord de Nouméa, la piste des référendums sur l’indépendance avait structuré le calendrier politique : trois consultations prévues par cet accord ont profondément marqué la société et les forces politiques locales.
Jean-Pierre Djaïwé, porte-parole du Parti de libération kanak (Palika), estime au contraire que Bougival « c’est un pas en avant vers l’indépendance ». Le Palika fait partie de l’UNI, aux côtés de l’Union progressiste en Mélanésie (UPM), coalition qui a animé la réunion du 16 août.
Ce que propose l’accord de Bougival
Concrètement, l’accord de Bougival remplace la perspective de nouveaux référendums par un transfert progressif de compétences régaliennes. La première compétence prévue pour être transférée est la diplomatie. Ensuite, d’autres domaines souverains — la monnaie, la justice, la sécurité et la défense — pourraient l’être, mais au cas par cas.
La validation de ces transferts n’est pas laissée à un scrutin populaire, mais au vote du Congrès, l’assemblée délibérante locale. Le texte impose une majorité qualifiée : les transferts doivent être adoptés par la majorité des trois cinquièmes des sièges, augmentée de trois sièges supplémentaires. Ce seuil, décrit de façon précise par les signataires, reste central dans les débats.
Points de divergence et conséquences possibles
Pour le FLNKS, ce mécanisme revient à rendre quasi-impossible toute accession à la souveraineté par voie institutionnelle, et conduirait de facto au maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française. Les représentants de cette formation estiment que les « acquis et fondamentaux » de leur lutte ne sont pas respectés par une procédure qu’ils jugent inéquitable.
De leur côté, les responsables de l’UNI défendent l’idée d’un changement de paradigme. Ils reconnaissent publiquement que les trois référendums prévus par l’accord de Nouméa ont laissé des traces et des divisions. Leur argument est d’avancer par étapes, en « construisant avec les autres » et en recherchant des majorités d’alliance au sein du Congrès pour faire voter les transferts de compétences.
Cette stratégie suppose deux choses : d’abord, une capacité à nouer des accords politiques larges au sein de l’assemblée locale ; ensuite, d’accepter que le calendrier et la méthode d’accès à la souveraineté soient profondément modifiés par rapport aux dispositifs antérieurs.
Enjeux immédiats et perspectives
Le retrait du FLNKS des discussions fragilise la portée politique de l’accord et la possibilité d’un consensus durable. Sans l’adhésion de l’une des principales composantes indépendantistes, la route vers la validation des transferts au Congrès apparaît semée d’obstacles.
Pour l’heure, les positions restent polarisées : l’UNI parle d’une voie pragmatique vers la souveraineté, tandis que le FLNKS dénonce une négociation qui, selon lui, dénature les objectifs historiques du mouvement indépendantiste. Les semaines et mois à venir détermineront si un nouveau compromis peut être trouvé ou si le statu quo institutionnel perdurera.
Les débats autour de l’accord de Bougival illustrent la difficulté de concilier approches divergentes sur une question majeure pour la Nouvelle-Calédonie : la manière d’accéder à la pleine souveraineté et les conditions politiques qui doivent l’accompagner.