Lors de la dernière séance plénière du congrès de la Nouvelle-Calédonie, jeudi 30 octobre, le report des élections provinciales — pourtant un sujet politique majeur — n’a fait l’objet d’aucune intervention. Les débats des élus se sont concentrés sur une priorité apparemment plus pressante : trouver les derniers subsides nécessaires pour permettre à la collectivité d’achever l’exercice budgétaire de l’année.
Une assemblée focalisée sur l’urgence financière
Selon plusieurs membres de l’assemblée délibérante de l’archipel, la gestion quotidienne des comptes a pris le pas sur les débats politiques habituels. Les élus ont expliqué que l’heure est à la recherche de trésorerie pour combler des besoins immédiats, au point que des sujets structurants comme le calendrier électoral sont restés en marge des discussions.
Cette focalisation sur l’actualité budgétaire s’explique par la situation économique et financière exceptionnelle que traverse la collectivité : le produit intérieur brut local a reculé de 13 % depuis les violences de 2024, un contexte qui a profondément réduit les recettes locales et aggravé les besoins de financement.
Un prêt garanti par l’État et des conditions jugées contraignantes
Pour répondre à la crise, la collectivité s’est lourdement endettée auprès de l’Agence française de développement. Elle a contracté un prêt garanti par l’État (PGE) d’un montant de 1 milliard d’euros. Les modalités de cette garantie et la convention signée avec le gouvernement national suscitent aujourd’hui l’indignation d’une quasi-unanimité d’élus locaux.
La convention encadre strictement l’utilisation des fonds et limite les marges de manœuvre budgétaires de la Nouvelle-Calédonie. Conformément aux règles prévues, toute dépense nouvelle exige une compensation budgétaire votée au cours de la même séance du congrès : soit l’adoption d’une nouvelle recette, soit la suppression d’une dépense existante. Les élus qualifient cet exercice d’intenable, car il revient à exiger, en temps réel et sous contrainte, des arbitrages parfois impossibles à réaliser.
Milakulo Tukumuli, élu de l’Eveil océanien, a résumé le sentiment d’une grande partie de l’hémicycle en déclarant que « on est désormais sous une tutelle qui frôle l’infantilisation ». Cette plainte souligne la perception, chez certains représentants, d’une perte d’autonomie décisionnelle au moment où la collectivité, historiquement autonome sur le plan fiscal, cherche à maintenir ses services et ses investissements.
Une illustration concrète des contraintes : retrait d’un texte gouvernemental
La contrainte budgétaire s’est matérialisée de façon tangible lors de la séance : un texte visant à lisser certains tarifs douaniers a dû être retiré de l’ordre du jour en urgence par le gouvernement. Selon les débats internes, ce projet aurait entraîné une dépense nouvelle de 16 000 euros par an, somme que la convention avec l’État empêche désormais d’inscrire sans compensation immédiate.
Le retrait de ce texte illustre la difficulté pratique à conduire des ajustements techniques ou fiscaux de faible ampleur lorsque chaque dépense supplémentaire doit être couplée, instantanément, à une source de financement. Pour les responsables locaux, cette rigidité complique aussi la gestion courante des politiques publiques et des réponses rapides aux besoins du territoire.
Enjeux de gouvernance et perspectives
La combinaison d’une chute importante du PIB, de l’endettement massif et d’une convention contraignante envoyée par l’État place la Nouvelle-Calédonie dans une situation délicate. Les élus font face à un double impératif : sécuriser les ressources nécessaires pour terminer l’année et préserver, autant que possible, la capacité d’action de la collectivité.
À court terme, l’absence de débat sur le report des élections provinciales montre que les urgences financières priment sur les questions institutionnelles. À moyen terme, les contraintes imposées par la convention et la nécessité de rembourser et gérer le PGE soulèvent des interrogations sur la façon dont l’archipel pourra retrouver de l’autonomie budgétaire et politique.
Les éléments rapportés lors de la séance — les chiffres sur la contraction du PIB, le montant du prêt garanti par l’État et l’exemple du retrait du texte douanier — donnent une image claire de la pression actuelle sur l’exécutif local. Les arbitrages qui en découleront devraient déterminer la capacité de la collectivité à mener des politiques publiques sans renoncer à des priorités essentielles pour les habitants.
Enfin, si la recherche de financements immédiats explique le silence sur le calendrier électoral, elle ne règle pas les questions institutionnelles à plus long terme. Le débat public et politique risque de se poursuivre, au fil des décisions budgétaires et des discussions entre la Nouvelle-Calédonie et l’État, sur la nature exacte des marges de manœuvre qui resteront au territoire.


                

														
														
                                            
                                            
                                            
                                            
                                            
                                            
