Une stratégie politique trop ambitieuse pour un petit parti
Plus un acteur politique est faible numériquement, plus il compense parfois par le verbe. La récente séquence du Parti socialiste (PS) illustre ce mécanisme: en l’espace de trois semaines, ce quatrième groupe à l’Assemblée nationale, placé derrière le Rassemblement national, Ensemble pour la République et La France insoumise, a semblé se croire la force dominante du moment.
Les socialistes ont porté des propositions ambitieuses — une taxe Zucman de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros ou, à défaut, le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) — tout en appelant à une relance des services publics et à des mesures pour augmenter le pouvoir d’achat. Dans leur communication, ces revendications ont été présentées comme une opportunité politique majeure, comme si la plupart des Français et des institutions étaient prêts à basculer vers leur agenda.
La réalité du pouvoir et la remise en ordre
Cette posture a buté sur la réalité du pouvoir: Sébastien Lecornu, présenté dans le texte comme un premier ministre conscient de la faiblesse de ses marges de manœuvre, avait lui-même évoqué le mot « rupture ». Il se décrit, selon la citation rapportée, comme « le plus fragile de la V e République ».
Mais la construction d’une dynamique politique ne repose pas seulement sur des appels publics. Le retournement est survenu le vendredi 26 septembre, lorsque Le Parisien a publié une clarification de l’exécutif. La copie budgétaire annoncée pour le prochain gouvernement exclurait la taxe Zucman et le retour de l’ISF; elle prévoirait, selon ce compte rendu, des réductions d’impôts pour certains et des augmentations pour d’autres, visant à concilier contraintes budgétaires et justice sociale.
Cette mise au point a brusquement refermé la fenêtre d’opportunité que le PS estimait ouverte. Ce déplacement entre posture revendicative et réalités budgétaires illustre la difficulté des formations plus modestes à transformer un moment médiatique en avancée concrète au Parlement.
La mobilisation sociale et le calendrier politique
La scène politique intérieure s’articule désormais avec une nouvelle phase de mobilisation sociale. Le jeudi 2 octobre, une intersyndicale, reconstituée après la chute du gouvernement Bayrou, a appelé à une journée de mobilisation. Cette intersyndicale veut empêcher que persistent les mesures qualifiées de « musée des horreurs » par ses opposants, allusion aux politiques que lui attribue l’ancien premier ministre.
Parmi les revendications figurent l’abandon, ou au minimum le gel, de la réforme des retraites qui, durant l’hiver 2023, avait déjà provoqué de vastes manifestations — plusieurs épisodes ayant rassemblé plus d’un million de personnes dans la rue. L’actualité sociale reste donc tendue et susceptible d’influer sur la manœuvre politique et budgétaire du gouvernement.
Sur le plan stratégique, la séquence révèle plusieurs enseignements. D’abord, la communication publique d’un parti peut créer une impression d’ascendant qu’il est ensuite difficile de tenir lorsque des arbitrages budgétaires se précisent. Ensuite, la présence de tensions sociales structurées — ici incarnées par une intersyndicale mobilisée — peut contraindre l’exécutif tout en offrant à l’opposition des ouvertures symboliques, dont il est parfois illusoire de tirer des gains matériels immédiats.
En l’état, le PS a montré une capacité à formuler des propositions fortes et à occuper l’espace médiatique. Mais la réaction gouvernementale et le calendrier budgétaire ont réduit la portée opérationnelle de ces annonces. La suite dépendra des arbitrages inscrits dans la copie budgétaire et de l’intensité des mobilisations sociales à venir.
Enfin, cette épisode illustre la tension permanente entre ambition politique et contrainte institutionnelle: un parti peut amplifier sa visibilité en misant sur des propositions radicales, mais c’est la capacité à les traduire en décisions publiques, dans un cadre budgétaire contraint, qui déterminera leur impact réel.