Patrick Kanner, chef de file des sénateurs socialistes, récuse l’étiquette de « contre-budget » collée aux récentes propositions du Parti socialiste (PS). « Pour qu’il y ait un contre-budget, il faudrait qu’il y ait un budget… », corrige-t-il, soulignant par la même que le texte vise moins à s’opposer formellement qu’à préparer une feuille de route pour l’après.
Un outil pour l’après Bayrou
À quelques jours de la chute attendue du gouvernement de François Bayrou, lundi 8 septembre, et dans le sillage du plan d’économies annoncé de 44 milliards d’euros, l’« autre projet pour la France » porté par le PS se présente comme un instrument destiné aux négociations à venir plutôt qu’un exercice parallèle de synthèse budgétaire.
Plutôt qu’un projet de substitution, ce document est décrit par ses auteurs comme une proposition pour orienter les discussions gouvernementales et parlementaires. Sa publication intervient dans un contexte politique tendu, où la question des économies publiques et de la trajectoire de déficit occupe le devant de la scène.
Un ancrage idéologique revendiqué
Le PS affirme retrouver, dans cet « autre projet », des lignes directrices proches de la feuille de route budgétaire tracée en 2024 par le Nouveau Front populaire (NFP). L’objectif déclaré est double : réduire le déficit via des recettes renouvelées et réorienter les dépenses publiques vers des investissements jugés prioritaires.
L’économiste Anne-Laure Delatte, invitée mardi 2 septembre au bureau national du PS, résume cette tonalité en déclarant avoir « retrouvé la philosophie de lever les recettes pour résorber le déficit et faire de la dépense publique ». Sa présence à la réunion illustre la volonté du PS de s’appuyer sur des expertises pour légitimer ses orientations, sans pour autant détailler dans le communiqué les mesures précises qu’il propose.
Justice fiscale et relance : les priorités affichées
La sénatrice PS du Val-de-Marne, Laurence Rossignol, propose une lecture synthétique des intentions du parti : « oui nous adhérons à l’idée qu’il faut une trajectoire de réduction du déficit », mais il faut, selon elle, introduire davantage de justice fiscale et mobiliser les grandes fortunes, tout en maintenant un effort d’investissement public pour soutenir l’activité.
Cette formulation met en avant trois axes : l’effort de recettes pour corriger la trajectoire budgétaire, des mesures redistributives visant les plus hauts patrimoines, et une logique d’investissement keynésienne destinée à relancer la croissance. Le PS présente ces priorités comme compatibles : la hausse de certaines recettes permettrait de financer des dépenses productives, selon le raisonnement exposé lors des échanges internes.
Un document de négociation plus qu’un texte définitif
Interrogés en interne, plusieurs responsables socialistes insistent sur le rôle tactique de ce projet. Plutôt que d’être un budget alternatif pleinement formalisé — avec chiffrages complets et calendrier d’application détaillé — il apparaît comme un cadre politico-économique exploitable lors de futures concessions et négociations.
Cette approche explique en partie la prudence des prises de parole publiques : le PS souhaite garder une marge de manœuvre pour adapter son positionnement en fonction de l’évolution de la situation gouvernementale et des discussions parlementaires.
Une ligne politique cohérente mais des zones encore floues
La cohérence idéologique du texte avec la feuille de route du NFP est régulièrement mise en avant par ses promoteurs. Cependant, sur plusieurs points précis — nature exacte des recettes envisagées, calendrier des mesures, et impact chiffré sur le déficit — le document reste volontairement généraliste.
Cette réserve rend la proposition utile comme outil politique, mais limite sa capacité à servir de contre-projet technique immédiatement comparable au plan d’économies de 44 milliards d’euros présenté par le gouvernement.
En résumé, le PS propose un cadre d’action pour l’après Bayrou, articulé autour de l’équilibre budgétaire, de la justice fiscale et d’un programme d’investissements. Présenté comme un instrument de négociation, il se veut fidèle à l’esprit de la feuille de route du NFP de 2024, tout en laissant ouverte la définition précise des mesures qui permettraient de traduire ces orientations en économies et recettes concrètes.