Après un entretien en tête‑à‑tête d’environ 45 minutes (quarante‑cinq minutes), François Bayrou et son successeur à la tête du gouvernement, Sébastien Lecornu, se sont adressés successivement aux médias depuis la cour de l’hôtel de Matignon, mercredi 10 septembre, lors de la cérémonie de passation des pouvoirs.
Trois verbes pour résumer l’intervention de François Bayrou
François Bayrou a ouvert son allocution en exprimant sa gratitude envers l’équipe qu’il a dirigée et en soulignant l’existence de « plusieurs projets déterminants » que le nouveau gouvernement devra examiner. Il a ensuite décliné sa pensée autour de trois verbes qu’il a énoncés explicitement : aider, rassembler, inventer.
Sur le premier verbe, Bayrou a assuré : « Je ferai, et je suis sûr, toute l’équipe qui m’entoure fera avec moi, tout ce que nous pouvons pour aider le gouvernement. » Il a justifié cette proposition d’appui par l’expérience accumulée de son équipe face à des enjeux plus complexes qu’ils n’apparaissent et par la nature exigeante, selon lui « très dangereuse », du moment que traverse la France.
Le deuxième mot, « rassembler », visait à condamner les divisions et la violence verbale récentes : « Je ne crois pas une seconde que notre pays va rester éternellement dans les divisions, les injures, la violence. » Bayrou a jugé ces tensions comme un handicap profond pour l’avenir national.
Enfin, le troisième verbe, « inventer », renvoie à l’idée de construire un avenir réaliste. Bayrou a expliqué qu’il ne suffisait pas de nier la réalité politique et sociale pour élaborer des projets d’avenir : « Je pense que nous devons inventer le monde nouveau qui s’impose, qui va s’imposer, mais le faire à partir de la réalité. »
Pour illustrer son propos, il a cité Jean Jaurès : « [Pour] aller vers l’idéal, il faut partir du réel ». Bayrou a conclu son intervention en répétant son offre de soutien au nouveau Premier ministre : « Aider, rassembler, inventer. Et on fera ça, M. le premier ministre, avec vous. »
Le message de Sébastien Lecornu à la nation
Sébastien Lecornu, récemment nommé Premier ministre, a choisi une tonalité courte et mesurée. Il a invoqué « l’humilité » et la « sobriété » comme réponses appropriées à l’instabilité et à la crise politique et parlementaire actuelles. Il a remercié le président de la République pour sa confiance, puis François Bayrou pour l’aide proposée, qu’il a acceptée.
Dans un hommage direct, Lecornu a salué « l’extraordinaire courage » avec lequel Bayrou a défendu ses convictions jusqu’à la fin de son passage à Matignon. Il a ajouté : « je crois, moi aussi, en une forme de justice qui fait qu’un jour tout cela sera reconnu » et a qualifié Bayrou de « cadet » dans un registre de courtoisie personnelle.
Lecornu a ensuite adressé un message d’assurance aux Français : « on va y arriver ». Il a identifié un double décalage à combler : d’une part, le décalage entre la vie politique et les attentes des citoyens concernant le quotidien, l’économie, le social et la sécurité ; d’autre part, le décalage entre la vie politique intérieure et la géopolitique globale, observation qu’il dit avoir constatée « ces dernières heures ».
Ancien ministre des armées sortant, selon ses propres mots, Lecornu a plaidé pour davantage de créativité, de technicité et de sérieux dans le dialogue avec les oppositions, et a annoncé la tenue rapide de rencontres avec « les premières forces politiques et syndicales ».
Sans prononcer de grand discours programmatique, il a toutefois prévenu que des ruptures seront nécessaires, non seulement dans la forme et la méthode, mais aussi sur le fond. Il a conclu en promettant de s’exprimer prochainement devant les Françaises et les Français et a remercié François Bayrou : « Monsieur le premier ministre, cher François, merci. »
Ton et perspectives
La passation s’est déroulée dans un registre institutionnel marqué par la reconnaissance mutuelle et l’appel au rassemblement. Les deux intervenants ont insisté sur la nécessité d’ancrer l’action publique dans la réalité et de réduire le fossé entre la vie politique et les préoccupations quotidiennes des citoyens.
Les annonces restent pour l’essentiel de nature politique et rhétorique : elles promettent des rendez‑vous et une collaboration entre l’équipe sortante et la nouvelle équipe gouvernementale, tout en esquissant des priorités (apaisement des tensions, réalignement sur le réel, dialogue renforcé avec les oppositions et les partenaires sociaux).
Les prochains jours devraient préciser le calendrier des consultations et les premières mesures concrètes que le nouveau gouvernement entend proposer.