La perspective d’un vote du budget de l’État avant Noël s’éloigne une nouvelle fois, remettant en cause une tradition républicaine. Après les difficultés constatées fin 2024, la procédure budgétaire pour 2026 semble à son tour menacée.
Contexte et précédents récents
La scène politique française connaît une double tension : d’un côté l’adoption, en première lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) mardi 9 décembre, perçue comme un succès encourageant pour Sébastien Lecornu ; de l’autre, l’impossibilité encore probable d’adopter le projet de loi de finances (PLF) dans les délais habituels.
Cette fragilisation du calendrier budgétaire rappelle un épisode rare : après un accroc technique en 1979, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, la question du vote d’un PLF hors délais ne s’était pas reposée pendant quarante‑cinq ans. La fin 2024 a marqué une rupture : la chute de Michel Barnier a rendu impossible, selon le récit politique, l’adoption en temps utile du budget 2025. Un an plus tard, la même échéance apparaît compromise pour le PLF 2026.
Les étapes parlementaires et les dates clés
Le texte porté par Sébastien Lecornu a été transmis au Parlement hors des délais légaux. Il a ensuite été rejeté par l’Assemblée nationale le 21 novembre, à l’unanimité moins une voix. Cette décision a laissé la place à un examen au Sénat, qui a adopté la première partie, consacrée aux recettes, le 4 décembre.
Le calendrier sénatorial prévoit la validation de l’ensemble du projet le 15 décembre. Entre-temps, Matignon et Bercy ont commencé à préparer une « loi spéciale » afin d’éviter un blocage financier si le vote du PLF ne peut intervenir avant la fin de l’année civile.
Ces dates — 21 novembre, 4 décembre, 9 décembre et la prévision du 15 décembre — structurent la séquence parlementaire. Elles déterminent aussi les marges de manœuvre politiques et techniques pour parvenir à un compromis entre chambres.
Les obstacles au compromis
Le Sénat a largement corrigé le projet initial, notamment sur les recettes. La question centrale demeure : les députés accepteront‑ils un texte issu des modifications sénatoriales, ou faudra‑t‑il recourir à une commission mixte paritaire (CMP) pour rapprocher les positions ?
Si une CMP parvient à dégager un compromis, le texte résultant devra ensuite obtenir le soutien des groupes politiques à l’Assemblée nationale. Dans l’hémicycle, l’appui des socialistes apparaît comme un facteur décisif, en raison de l’absence d’une majorité stable. Sans leur soutien, l’adoption définitive du PLF reste incertaine.
Scénarios possibles et enjeu financier
Plusieurs scénarios sont envisageables, sans que l’on puisse en garantir l’issue : soit un accord parlementaire avant le 31 décembre, soit le recours à une loi spéciale pour garantir la continuité financière, soit un report ou des mesures provisoires limitant l’action de l’État.
La préparation d’une « loi spéciale » par Matignon et Bercy traduit la volonté d’éviter un blocage susceptible d’affecter les services publics et les paiements de l’État. Le recours à un mécanisme dérogatoire reste cependant une solution exceptionnelle, et son usage entraînerait des debates politiques intenses sur le plan démocratique et budgétaire.
Sur le plan budgétaire, l’absence d’un PLF voté dans les délais peut compliquer la mise en œuvre des politiques publiques prévues pour l’année suivante. Outre l’aspect symbolique d’un budget non voté avant Noël, les conséquences pratiques concernent la prévisibilité des dépenses et la crédibilité du Parlement en matière de contrôle des finances publiques.
Questions en suspens
Plusieurs interrogations demeurent ouvertes et conditionnent l’issue du processus : les députés accepteront‑ils un compromis issu du Sénat ? Le parti socialiste choisira‑t‑il de soutenir la version finale ? Matignon et Bercy estimeront‑ils la « loi spéciale » nécessaire et proportionnée ?
À l’heure où le calendrier parlementaire entame sa semaine décisive, la probabilité d’un budget voté avant Noël reste incertaine. Les prochaines étapes législatives, les arbitrages politiques et la capacité des groupes à négocier détermineront si la tradition d’un PLF adopté à la fin de l’année sera maintenue ou à nouveau remise en cause.





