Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) revient en séance à l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture décisive, après les modifications apportées par le Sénat. Un premier vote sur la partie « recettes » est attendu dans la semaine, et le vote sur l’ensemble du texte est programmé pour le 9 décembre.
Un calendrier politique serré
Dès le lundi 1er décembre, le ministre chargé des relations avec le Parlement, Sébastien Lecornu, entame une série de rencontres destinées à tenter d’arracher un compromis. À partir de la mi-journée, le premier ministre doit recevoir successivement les responsables du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste français (PCF) à Matignon.
La semaine se poursuit avec des entretiens programmés : les représentants des Écologistes doivent être reçus mardi, ceux du Rassemblement national mercredi. M. Lecornu a déjà rencontré la semaine précédente les groupes LIOT et Les Républicains (LR). Il assistera par ailleurs à la discussion générale sur le budget de la Sécu mardi et prévoit des échanges avec plusieurs organisations patronales et syndicales (Medef, CFDT, FO), ainsi qu’avec des parlementaires sur les enjeux défense et énergie, jugés centraux pour le budget de l’État.
La lettre aux entrepreneurs et le message d’un « moment de clarification »
Dans une lettre adressée aux entrepreneurs, publiée lundi, Sébastien Lecornu souligne que « aujourd’hui, l’urgence est simple : avoir un budget ». Il y décrit « un moment de clarification nationale » où chacun devra se positionner « : avec ceux qui veulent faire tenir le pays, ou avec ceux qui préfèrent le voir vaciller ».
Le ministre défend également la « vitalité démocratique » résultant, selon lui, de la dissolution de 2024, qui n’a pas produit de majorité claire. À propos du budget, il écrit que « celui-ci ne reflétera pas mes convictions. Il est d’ailleurs bien possible qu’il ne reflélera complètement les convictions de personne. Mais ce budget de compromis issu du Parlement sera la condition pour que la France continue de se tenir à vos côtés ». Ces formules confirment la volonté du gouvernement de présenter le texte comme un compromis parlementaire plutôt que l’expression d’une ligne unique.
Contenu et points de friction
Le PLFSS présenté en deuxième lecture est la version renvoyée par le Sénat, assez éloignée de celle adoptée par les députés. Les sénateurs ont notamment rejeté la mesure phare portée par l’Assemblée, la suspension de la réforme des retraites, et ils ont écarté la piste de recettes obtenue par les socialistes : la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital.
Ces divergences illustrent les arbitrages difficiles qui attendent l’Assemblée. La commission des affaires sociales a rejeté le projet samedi dernier, LR votant contre et le PS s’abstenant. Frédéric Valletoux, président de la commission, a reconnu que « on est assez loin d’un accord ». Son groupe, Horizons, devrait hésiter en séance entre vote contre et abstention, selon le climat politique décrit en commission.
Face à ces désaccords, la voie d’adoption du PLFSS reste étroite. Tout indique que La France insoumise et l’alliance Rassemblement national–Union des droites pour la République voteront contre. Pour que le budget soit adopté sans majorité absolue hostile, il faudrait que les groupes de la coalition gouvernementale l’approuvent et que, au minimum, le PS et les Écologistes s’abstiennent. Une autre option serait que le PS vote pour tandis que les Écologistes s’abstiennent, scénario qui paraît incertain au regard des positions exprimées.
Les priorités affichées du Parti socialiste
Le PS a annoncé qu’il réaffirmera au premier ministre ses priorités : « défendre le pouvoir d’achat et les services publics, par la contribution des plus fortunés », a déclaré Boris Vallaud, président du groupe des députés PS, au Parisien. Parmi les points de désaccord figurent les franchises médicales, que le gouvernement souhaite doubler, mesure rejetée par la gauche, et les exonérations de cotisations sociales, dont le PS réclame la réduction plutôt que la mise à contribution des hauts patrimoines.
Les responsables socialistes entendent aussi adresser un message politique au gouvernement. M. Vallaud a indiqué qu’ils demanderont à M. Lecornu s’il est « effectivement le chef de cette majorité », au regard de « la grande dispersion » observée entre les quatre groupes censés soutenir l’exécutif, « notamment LR et Horizons ». Cette interrogation reflète la fragilité du soutien parlementaire autour du texte.
À droite, l’enthousiasme manque. Le rapporteur général du budget de l’État, Philippe Juvin (LR), a déclaré : « À l’heure où je vous parle (…) j’ai très envie de ne pas voter ce budget de la Sécurité sociale ».
Le gouvernement se dit déterminé à obtenir un vote sur le budget. Toutefois, la possibilité de recourir à l’article 49.3 de la Constitution, mechanism permettant d’imposer l’adoption d’un texte sans vote, commence à être évoquée à la fois au PS et chez LR. M. Lecornu avait auparavant renoncé à l’usage du 49.3 à la demande du PS, mais la menace de son recours figure désormais parmi les options envisagées si les tractations parlementaires n’aboutissent pas.





