La précarité matérielle — la privation de biens de première nécessité — reste moins visible dans le débat public que la précarité du logement ou l’insécurité alimentaire, bien qu’elle produise des effets concrets et durables sur la vie quotidienne des personnes concernées. « Elle a pourtant un impact direct, et enferme les personnes dans un cercle d’exclusion », a alerté Amadou Sylla, délégué général de SOS Casamance, lors d’un colloque organisé jeudi 18 décembre à l’Assemblée nationale.
Des exemples parlants depuis la Goutte-d’Or
Implantée depuis vingt ans dans le quartier parisien de la Goutte‑d’Or, l’association SOS Casamance a présenté des témoignages qui rendent tangibles les conséquences de ces manques. Amadou Sylla a cité le cas d’une jeune fille qui « manque l’école plusieurs jours par mois faute de protections périodiques ». Cette illustration souligne comment un besoin apparemment intime et discret peut entraîner des absences répétées et donc impacter le parcours scolaire.
Autre situation décrite : l’absence de fournitures scolaires ou d’un espace dédié pour faire ses devoirs. Selon le témoignage rapporté, ces carences « jouent sur la réussite scolaire ». Privés d’un coin calme et du matériel de base, des élèves voient leur apprentissage fragilisé, ce qui pèse sur leurs chances de réussite et leur insertion future.
Impacts sur la santé et la vie familiale
Les témoins ont aussi mis en avant des répercussions sanitaires. Amadou Sylla a évoqué « une famille dont les enfants avaient des problèmes de dos, à force de dormir à même le sol ». Ce type d’exemple montre que l’absence d’objets du quotidien — matelas, linge de maison, ustensiles — n’est pas seulement une question de confort : elle peut entraîner des problèmes de santé physique et aggraver la vulnérabilité générale des ménages.
Par ailleurs, la précarité matérielle peut accroître l’isolement social. L’impossibilité de recevoir chez soi, de participer à des activités nécessitant des équipements de base, ou la stigmatisation liée à l’absence d’objets considérés comme normaux contribuent à renforcer le retrait des individus du tissu social.
Le témoignage d’un supermarché solidaire
Nabil Ait Tahar, président du supermarché solidaire Icipass à Avignon, a complété ces constats par un autre exemple concret. Il a raconté l’histoire d’un jeune effectuant un service civique au sein de l’association : « Nous nous sommes rendu compte qu’il avait des difficultés à se nourrir, et lui avons donné des produits. Mais il n’avait rien pour faire la cuisine. »
Cette anecdote illustre une insuffisance fréquente : l’aide alimentaire ponctuelle répond à la faim immédiate mais ne suffit pas si la personne ne dispose pas d’un équipement minimal pour stocker ou préparer les repas. Le risque est alors de voir persister la fragilité malgré des dons réguliers.
Ce que ces récits révèlent
Les témoignages relayés à l’Assemblée nationale montrent que la précarité matérielle agit selon plusieurs mécanismes : entrave à la scolarité, dégradation de la santé, limitation des capacités d’autonomie et exclusion sociale. Ils suggèrent également que les réponses traditionnelles — aide alimentaire, hébergement d’urgence — ne couvrent pas toujours l’ensemble des besoins liés à la possession d’objets et d’équipements essentiels.
Sans prétendre dresser un bilan exhaustif, les intervenants cités ont mis l’accent sur la nécessité de reconnaître la précarité matérielle comme une dimension spécifique de la précarité. La mise en lumière de cas concrets aide à comprendre comment des manques matériels apparemment mineurs s’accumulent et renforcent la vulnérabilité.
Ces éléments constituent une base pour mesurer la portée de la problématique et pour envisager des réponses mieux adaptées aux besoins quotidiens des personnes concernées. Le colloque a permis de rassembler des témoignages et des constats, laissant entendre la nécessité d’une prise en compte plus systématique de la question dans les dispositifs d’aide.
En l’état, les récits présentés par SOS Casamance et Icipass offrent un éclairage direct sur des situations peu visibles, et mettent en évidence les effets concrets de la privation matérielle sur la scolarité, la santé et la vie familiale.





