La cour d’appel de Paris a ordonné, mardi 28 octobre, la remise en liberté de l’ancien banquier Wahib Nacer, détenu depuis sa condamnation dans le dossier libyen. M. Nacer avait été incarcéré le 25 septembre après une condamnation assortie d’un mandat de dépôt à exécution provisoire.
Les motifs et les mesures imposées
La cour a souligné que « les critères d’appréciation de la juridiction d’appel sont nécessairement différents de ceux de la juridiction de premier degré ». Avant de rendre sa décision, le président a précisé que cet arrêt « ne doit pas être analysé à l’aune du jugement qui doit être rendu » à l’issue du procès en appel, prévu « en mars ».
La libération de M. Nacer s’accompagne de conditions strictes : placement sous contrôle judiciaire, interdiction de quitter le territoire métropolitain, obligation de pointer au commissariat et remise de ses passeports.
Les débats lors de l’audience
Lors de l’audience d’examen de sa demande de mise en liberté, tenue lundi, les débats se sont concentrés sur le risque de fuite présenté par ce Franco‑Djiboutien de 81 ans. Défendant son client en visioconférence, M. Nacer a déclaré : « Je n’ai jamais cherché à fuir ni à me dérober à une quelconque convocation que ce soit ».
Aux yeux de la cour, le maintien en détention ne pouvait se justifier à ce stade que si la détention constituait le seul moyen de protéger des preuves, d’empêcher des pressions ou concertations, de prévenir une fuite ou une récidive, ou de protéger la personne elle‑même.
Le parquet général avait exprimé son opposition à la libération, estimant que les garanties de représentation de M. Nacer étaient insuffisantes. À l’audience, son avocat, Me Benjamin Bohbot, a résumé la question centrale : « C’est la seule question : est‑ce que cet homme va fuir ? », en ajoutant que « l’intégralité de la vie de M. Nacer est en France ».
À l’issue du délibéré, Me Benjamin Bohbot a déclaré à l’Agence France‑Presse : « C’est un profond soulagement pour Wahib Nacer, âgé de 81 ans, de retrouver la liberté. La décision rendue par la cour d’appel est sage et logique sur le plan juridique. »
Situation des autres protagonistes et calendrier
Outre la décision concernant M. Nacer, le tribunal correctionnel de Paris avait, le 25 septembre, délivré un mandat de dépôt contre l’intermédiaire Alexandre Djouhri. La demande de mise en liberté de M. Djouhri doit être examinée le 3 novembre.
La date de l’exécution de la peine pour Nicolas Sarkozy n’a pas été fixée au moment du délibéré. L’ex‑chef de l’État avait bénéficié d’un délai d’un mois pour s’organiser avant son incarcération, intervenue le 21 octobre. Il a été condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs, notamment pour avoir, selon le jugement, laissé ses collaborateurs rencontrer un haut dignitaire libyen en vue d’un financement de sa campagne présidentielle de 2007. Nicolas Sarkozy a fait appel.
Le rôle retenu contre M. Nacer dans le jugement
Selon le jugement du 25 septembre, M. Nacer, ancien banquier retraité depuis 2014, aurait joué un « rôle central dans la mise en place [de] montages » financiers opaques. Le tribunal lui attribue notamment des manœuvres visant au versement de 500 000 euros à Claude Guéant, proche collaborateur de M. Sarkozy, ainsi qu’à la cession jugée frauduleuse d’une villa du sud de la France au fonds souverain libyen, à un prix considéré comme surévalué.
M. Nacer n’a pas été condamné dans le volet de l’affaire relatif à l’association de malfaiteurs pour laquelle M. Sarkozy a été sanctionné. La décision de la cour d’appel ne préjuge ni du résultat du procès en appel ni des suites pénales qui pourront être données.
La remise en liberté, avec contrôles judiciaires renforcés, intervient donc dans un calendrier judiciaire qui reste chargé : mise en examen et appels sont toujours en cours pour plusieurs protagonistes, et des audiences prochaines, comme celle du 3 novembre pour M. Djouhri, pourront modifier la situation de détention de certains prévenus.
La cour d’appel a ainsi apprécié que, au vu des garanties présentées et des éléments de procédure, le maintien en détention de M. Nacer n’était plus justifié comme unique moyen de prévenir un risque identifié par la juridiction.





