La ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a annoncé lors d’un déplacement à La Réunion jeudi 27 novembre le report de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi « contre la vie chère » dans les territoires ultramarins, afin de « se donner du temps de travail » pour le renforcer (AFP). Cette décision vise, selon la ministre, à apporter des améliorations jugées nécessaires au texte avant sa présentation aux députés.
Motifs du report et ambitions affichées
Naïma Moutchou a expliqué à l’Agence France-Presse que, même si le projet de loi avait déjà été « amélioré » au Sénat, il restait de la marge pour aller « beaucoup plus loin ». Elle a déclaré vouloir « tendre la main aux parlementaires » pour « travailler ensemble » à l’amélioration du texte. L’objectif affiché est de transformer un projet jugé insuffisant par certains en un instrument plus efficace pour lutter contre le renchérissement des prix dans les outre-mer.
Présentée comme une « urgence » par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, la lutte contre la vie chère avait déjà donné lieu à des débats serrés au Sénat. Le projet, amorcé sous l’ère de l’ex-ministre Manuel Valls, a été adopté fin octobre au Palais du Luxembourg, mais sans l’enthousiasme des parlementaires, qui jugent le texte trop timide.
Un contexte marqué par des écarts de prix très importants
Le besoin d’un texte plus ambitieux s’inscrit dans un contexte où les prix des produits alimentaires et de première nécessité sont nettement plus élevés dans de nombreux territoires ultramarins. Selon l’Insee, l’écart de prix pour les produits alimentaires peut atteindre jusqu’à 42 % entre certains départements et régions d’outre-mer et la France hexagonale, la Guadeloupe et la Martinique étant parmi les plus affectées.
L’Insee note en particulier qu’en Guadeloupe les prix alimentaires ont bondi de 35 % en dix ans. Ces chiffres servent d’élément de diagnostic pour les pouvoirs publics et expliquent en partie l’exigence d’une réponse législative renforcée visant à protéger le pouvoir d’achat des ménages ultramarins.
Ces problématiques se mêlent à des tensions sociales. Les attentes portées sur la loi trouvent leur origine, pour une part, dans les manifestations et les épisodes d’émeutes qui ont secoué la Martinique à l’automne 2024. Ces événements ont mis en lumière l’urgence sociale perçue par une partie de la population et la nécessité d’actions concrètes sur la transparence des marchés et la concurrence locale.
Abandon de deux réformes budgétaires prévues pour 2026
Parallèlement au report du projet de loi, Naïma Moutchou a confirmé à l’AFP l’abandon de deux réformes envisagées dans le cadre du budget 2026. Il s’agit de la réforme des exonérations de cotisations patronales en outre-mer (Lodéom) et de la réforme de la défiscalisation des investissements productifs dans les territoires ultramarins.
Ces dispositifs, qui bénéficient aux entreprises ultramarines, devaient initialement permettre à l’État de dégager 650 millions d’euros d’économies. Leur suppression avait provoqué une forte réaction des élus d’outre-mer, toutes sensibilités politiques confondues. Face à ces inquiétudes, le gouvernement a décidé de renoncer, au moins dans l’immédiat, à ces mesures pour ne pas « fragiliser les territoires ultramarins », selon les mots de la ministre.
Naïma Moutchou a précisé vouloir désormais « entamer un travail pour voir la manière dont on peut ensemble réformer ces dispositifs » afin qu’ils « puissent être plus efficaces ». Elle invite donc à une concertation visant à repenser ces mécanismes de soutien aux entreprises, sans en détailler pour l’heure le calendrier ni les modalités précises.
Prochaines étapes et enjeux
Le report de l’examen à l’Assemblée nationale implique que le texte bénéficiera d’un temps de travail supplémentaire entre le gouvernement et les parlementaires. L’enjeu politique consiste à parvenir à un compromis capable de concilier la préservation du pouvoir d’achat, la dynamisation de la concurrence locale et la soutenabilité budgétaire.
Sur le plan parlementaire, la ministre appelle à une collaboration active. Reste à savoir quelles mesures concrètes seront ajoutées au projet de loi et comment elles répondront aux critiques formulées au Sénat, ainsi qu’aux attentes exprimées sur le terrain par les populations ultramarines.
La décision du gouvernement marque une inflexion tactique : renforcer le texte plutôt que de maintenir un calendrier contraint, tout en retirant provisoirement des réformes budgétaires sensibles qui avaient suscité l’opposition des élus d’outre-mer. Les développements à venir dépendront des travaux législatifs et des négociations entre l’exécutif et les représentants des territoires concernés.





