Le nouveau gouvernement dit « Lecornu II » n’a pas modifié la ligne tactique des partis de gauche. À l’exception de La France insoumise, les formations socialiste, écologiste et communiste ont rapidement compris qu’Emmanuel Macron n’envisageait ni de nommer un premier ministre issu de leurs rangs, ni de leur concéder un compromis substantiel sur leurs trois priorités : suspension complète de la réforme des retraites, instauration d’une taxe Zucman sur les grandes fortunes, et mesures significatives pour augmenter le pouvoir d’achat.
Des espoirs déçus après deux réunions décisives
La réunion tenue le jeudi 9 octobre à Matignon, suivie d’un entretien improvisé à l’Élysée, a achevé de refroidir les derniers espoirs de négociation. Selon les partis de gauche, ces rendez‑vous ont confirmé l’absence d’une volonté présidentielle de faire des concessions sur les points clefs du programme socialiste et écologiste.
Pour plusieurs responsables de gauche, la composition du gouvernement et le calendrier des discussions ont rendu la perspective d’un premier ministre issu de la gauche illusoire. Ces constats alimentent désormais la conviction — partagée par une large majorité de leurs cadres — que la censure du gouvernement à l’Assemblée nationale est devenue inéluctable.
Une censure perçue comme presque certaine, mais contestée en interne
Si la censure apparaît comme une issue probable, elle suscite des hésitations, notamment au sein du Parti socialiste (PS). Le PS reste divisé sur la conduite à tenir : certains y voient un moyen de mise en échec du gouvernement, d’autres redoutent les conséquences politiques et institutionnelles d’un vote de défiance.
La déclaration de politique générale du premier ministre Sébastien Lecornu est désormais présentée par les partis de gauche comme l’épreuve de vérité. Elle servira à mesurer, lors des débats et du vote à l’Assemblée, la réalité des engagements politiques annoncés. Pourtant, au PS, rares sont ceux qui misent encore sur un changement de cap susceptible d’éviter la confrontation.
Le porte‑parole socialiste Rémi Branco résume ce désenchantement : « Le PS ne se fait aucune illusion. Nous avions pensé que le premier ministre ferait un pas vers nous la semaine [du 6 octobre]. Quand Les Républicains l’ont poussé vers la démission, nous avons cru au changement de cap. Il ne l’a pas fait, explique le porte‑parole socialiste, Rémi Branco. Emmanuel Macron nous réunit ensuite, on s’est dit peut‑être que… Et puis non. Qu’est‑ce qui nous donne l’impression, à l’heure actuelle, de pouvoir aller vers une non‑censure ? Rien. »
Conséquences politiques et lignes de fracture
Cette séquence politique met en lumière plusieurs fractures : d’abord entre La France insoumise et le reste de la gauche, la première ayant anticipé l’absence de concession et les autres ayant longtemps nourri l’espoir d’un compromis. Ensuite, au sein même du PS, la division sur la stratégie à adopter — censure, abstention ou négociation — témoigne d’un paysage politique fragmenté.
Les écologistes et les communistes, eux aussi, ont mesuré tardivement l’écart entre leurs demandes matérielles et la volonté affichée de l’exécutif. Leur positionnement futur dépendra en grande partie de l’évolution des débats parlementaires autour de la déclaration de politique générale et de la mobilisation dans la rue, dont l’importance reste difficile à prévoir.
En l’état, le calendrier politique immédiat reste centré sur la prise de parole du premier ministre et sur le vote à l’Assemblée. Ces étapes détermineront si la confrontation se conjuguera avec des initiatives parlementaires coordonnées ou si, au contraire, la gauche se retrouvera sans la cohérence stratégique nécessaire pour peser sur la politique gouvernementale.
La situation demeure fluide : les annonces et les décisions des prochains jours seront décisives pour savoir si la contestation aboutira à un renversement effectif du gouvernement ou si elle se traduira par une série de protestations sans effet immédiat.