Le Sénat rétablit la réforme des retraites et modifie le budget de la Sécu
La commission des affaires sociales du Sénat a proposé, samedi 15 novembre, de revenir sur plusieurs mesures adoptées récemment par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Parmi les principaux changements figurent le rétablissement de la réforme portée par l’exécutif — dite « réforme Borne » — et la remise en cause de mesures votées par les députés, notamment la suspension annoncée de cette réforme.
Alors que les débats se sont longtemps concentrés sur l’Assemblée nationale, la chambre haute est entrée dans le vif du sujet lors de l’examen en commission du budget de la Sécu. La majorité sénatoriale, largement composée de députés de droite et du centre, a profité de cette étape préliminaire pour marquer ses intentions avant l’examen en séance publique, prévu à partir de mercredi.
Retour sur la « suspension » de la réforme et réactions politiques
La mesure controversée — une « suspension » de la réforme des retraites jusqu’en janvier 2028, qui reporte le relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans — a été supprimée massivement en commission, selon des participants cités par l’Agence France-Presse (AFP). La sénatrice Les Républicains Pascale Gruny a critiqué la concession accordée par le Premier ministre Sébastien Lecornu aux socialistes, qualifiant la mesure de « poudre de perlimpinpin » et dénonçant le financement reposant, selon elle, « sur les retraités eux‑mêmes ».
Elisabeth Doineau, rapporteuse générale centriste, a justifié la position du Sénat en rappelant la cohérence de la chambre avec une réforme qu’elle dit avoir soutenue depuis des années. Ces choix ont suscité des réactions vives à gauche. Bernard Jomier, du groupe socialiste, a dénoncé « une posture de refus de tout accord et de tout compromis », s’inquiétant d’un « raidissement très net » de la droite et des centristes. L’élue écologiste Anne Souyris a, elle aussi, exprimé son désaccord : « Quand on détruit dans une chambre tout ce qui a été fait dans l’autre chambre du Parlement, ce n’est pas une démarche de construction. »
Prestations gelées et pensions partiellement préservées
La commission sénatoriale a également rétabli, pour 2026, le gel de certaines prestations sociales qui sont habituellement indexées sur l’inflation. L’Assemblée nationale avait auparavant largement supprimé cette disposition au cours de son examen du texte. Le gel des pensions de retraite, également supprimé par les députés, a été rétabli en commission, avec toutefois une réserve : les pensions inférieures à 1 400 euros seraient préservées, selon plusieurs participants aux travaux.
Ces décisions qualifiées d’impopulaires par leurs détracteurs sont défendues par la majorité sénatoriale au nom du redressement des comptes de la Sécurité sociale. Le centriste Olivier Henno a résumé l’objectif : « Notre ambition, c’est de nettoyer tout ce qui nous paraît aberrant en termes de prélèvements nouveaux et de déficit accru, pour tenir le cap des 17,5 milliards d’euros de déficit. »
Chiffres du déficit et trajectoire parlementaire
Selon la présentation des rapporteurs consultée par l’AFP, les travaux de la commission aboutissent, à ce stade, à ramener le déficit de la Sécu à 15,1 milliards d’euros. Ce chiffrage contraste avec l’estimation communiquée par le ministre du travail, Jean‑Pierre Farandou, selon laquelle « le déficit est supérieur à 24 milliards d’euros » ; cette dernière estimation est, d’après le texte, partagée par les services de l’Assemblée et du Sénat.
Les amendements adoptés en commission samedi devront être soumis au vote du Sénat dans son ensemble. Le texte poursuivra ensuite son parcours parlementaire jusqu’au début du mois de décembre, laissant ouverte la possibilité d’un nouveau round de confrontations entre chambres et d’arbitrages au sein du Parlement.
Autres points de désaccord
Outre la question des retraites et du gel des prestations, les sénateurs se sont opposés en commission à une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital — dividendes, épargne salariale, plans d’épargne logement — mesure portée par les députés socialistes et qui devait rapporter 2,8 milliards d’euros en 2026. Plusieurs dizaines d’amendements visant à supprimer des mesures introduites par l’Assemblée ont été adoptés en commission, dessinant une copie sénatoriale du budget de la Sécu proche de la proposition initiale du gouvernement.
Au fil des prochaines étapes parlementaires, la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat déterminera le contenu final du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, et les désaccords soulignés en commission laissent présager des arbitrages politiques importants avant la clôture des débats.





