Un engagement gouvernemental annoncé à l’Assemblée
Le premier ministre, Sébastien Lecornu, a déclaré mercredi 15 octobre que le gouvernement déposera « un amendement au projet de loi de finances pour la Sécurité sociale dès le mois de novembre » afin d’y inclure la suspension de la réforme des retraites.
Concrètement, l’exécutif propose de mettre en pause, jusqu’à l’élection présidentielle de 2027, le recul progressif de l’âge de départ à la retraite à 64 ans ainsi que l’augmentation de la durée de cotisation. Cette annonce intervient alors que des motions doivent être votées jeudi matin à l’Assemblée nationale.
Précisions sur la procédure et levée d’incertitudes
L’intervention de M. Lecornu à l’Assemblée a clarifié la voie choisie par le gouvernement après des déclarations divergentes de membres du cabinet. Mardi, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, avait indiqué que la suspension serait portée par un « amendement » au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Plus tard, le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, avait semé le doute en évoquant une loi distincte, sans préciser si elle serait liée au texte budgétaire. Le premier ministre a tranché en faveur du dépôt d’un amendement au PLFSS, renvoyant la décision finale au Parlement : « Si le gouvernement dépose cet amendement, ce sera au Parlement de le décider, et donc à chacune et chacun, ici, dans la plus grande clarté, de porter ses convictions. »
Réactions politiques et calculs parlementaires
La décision du gouvernement a immédiatement déclenché des réactions politiques contrastées. Boris Vallaud, patron des députés socialistes, a salué l’engagement portant sur le mécanisme et mis en garde : « Peu importe le véhicule, le premier ministre a pris un engagement devant la représentation nationale et les Français. S’il n’y a pas de suspension, il n’y a pas de gouvernement. »
Ce propos s’inscrit dans un contexte tendu : les socialistes ont demandé de ne pas voter les motions de censure déposées par La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national. Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, avait en effet donné pour consigne de ne pas soutenir ces motions. Malgré cela, plusieurs députés socialistes expriment des réserves.
Certains s’inquiètent qu’un amendement au PLFSS entraîne l’adoption du texte budgétaire dans son ensemble, éventuellement avec des voix socialistes pour atteindre la majorité, alors qu’ils rejettent plusieurs mesures du projet de loi. Manuel Bompard, coordinateur de LFI, a souligné ce risque en dénonçant l’éventualité d’un vote qui obligerait le Parti socialiste à soutenir des mesures impopulaires : « Cela veut dire que le Parti socialiste devra voter la baisse des retraites pendant quatre ans ou la baisse de l’indemnisation des personnes atteintes de maladies chroniques. »
Critiques et demandes d’engagements complémentaires
Plusieurs responsables de la gauche radicale ont demandé des garanties supplémentaires. Éric Coquerel, président de la commission des finances à l’Assemblée pour LFI, a demandé au gouvernement de s’engager à voter une loi spécifique si le PLFSS n’était pas adopté ou si son examen dépassait la durée constitutionnelle prévue de cinquante jours.
À droite, la réaction a été tout aussi franche. Bruno Retailleau, patron des Républicains, a dénoncé un « revirement spectaculaire » du gouvernement et qualifié de « exorbitant » le coût potentiel de la suspension. Il a prévenu que son groupe mènerait au Parlement une opposition résolue pour défendre ses propres propositions.
Motivations officielles et éléments personnels
Interrogé devant le Sénat, M. Lecornu a reconnu que proposer la suspension d’une réforme emblématique du mandat d’Emmanuel Macron le plaçait « en décalage » avec ses « propres convictions ». Il a expliqué ce choix par la nécessité d’une « gestion de crise » et par l’obligation, selon lui, de « devoir prendre des risques » dans ce contexte politique tendu.
La proposition de suspension court désormais devant le calendrier parlementaire : dépôt de l’amendement au PLFSS en novembre, examen des motions et poursuite du débat budgétaire qui, selon le texte d’origine, doit s’étirer jusqu’à la fin du mois de décembre. C’est au Parlement, et à ses majorités et alliances temporaires, que reviendra la décision finale.
Les prochains jours seront donc déterminants pour savoir si l’engagement gouvernemental se traduira par une suspension effective de la réforme jusqu’à l’élection présidentielle de 2027, ou si des obstacles parlementaires et politiques contraindront l’exécutif à revoir sa stratégie.