Samedi 13 septembre, Sébastien Lecornu se rend à Mâcon (Saône‑et‑Loire) pour son premier déplacement en tant que premier ministre, consacré à la santé et à « la vie quotidienne » des Français. Pendant quelques heures, il s’éloigne des concertations menées à Paris dans le but de former un gouvernement pour aller à la rencontre des habitants et des professionnels de terrain.
Quatre jours après sa nomination, le nouveau locataire de Matignon cherche à donner une image d’écoute. Il rencontrera notamment des salariés d’un centre de santé du département dont l’objectif est d’améliorer l’accès aux soins, un thème récurrent des préoccupations populaires.
Élu local de l’Eure — ancien maire de Vernon, président du département et sénateur — Lecornu rappelle ses racines familiales : fils d’une secrétaire médicale et d’un technicien de l’aéronautique. Dès la soirée de sa nomination, mardi, il affirmait vouloir « mesurer les attentes » de ses concitoyens et comprendre « les difficultés » qu’ils rencontrent.
Selon son entourage, ces difficultés rendent parfois l’accès à un médecin « insupportable » et sont parfois « source d’angoisse ». Le premier ministre entend ainsi « témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des personnels soignants » et « réaffirmer la volonté du gouvernement de faciliter l’accès aux soins ».
Un style de gouvernance axé sur le compromis
La visite à Mâcon a aussi une portée politique : elle vise à convaincre l’opinion et les forces politiques de la méthode qu’il veut appliquer — trouver des terrains d’entente, notamment sur le budget, pour gouverner sans majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Très proche d’Emmanuel Macron, qu’il a rencontré longuement vendredi à l’Élysée, Sébastien Lecornu doit composer avec un climat social tendu. Le jour de sa prise de fonctions, mercredi, une mobilisation lancée sur les réseaux sociaux a réuni 200 000 manifestants, et une nouvelle journée de manifestations à l’appel des syndicats est prévue le 18 septembre.
« Il y a une grande colère » chez les salariés, a déclaré Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, à l’issue d’une entrevue vendredi avec le premier ministre. Elle a indiqué que M. Lecornu lui avait dit travailler sur une « contribution des plus hauts revenus » dans le budget 2026.
La question budgétaire est sensible : ses deux prédécesseurs, François Bayrou et Michel Barnier, ont quitté leurs fonctions sur des désaccords autour du budget. Dans ce contexte, le chef du gouvernement cherche d’abord un compromis avec les socialistes tout en devant réduire les déficits, alors que l’agence de notation Fitch a dégradé vendredi soir la note de la dette française.
Pressions et arbitrages autour de l’impôt
Au centre et à droite de la coalition gouvernementale, des voix se disent prêtes à taxer davantage les ultrariches, sans pour autant instaurer la « taxe Zucman » sur les plus hauts patrimoines, mesure portée par les socialistes et rejetée par la droite. Une telle mesure, si elle était adoptée, représenterait selon ses promoteurs une rupture par rapport au tabou des hausses d’impôts longtemps préservé par la majorité présidentielle.
Pour autant, M. Lecornu doit ménager des partenaires aux positions divergentes et prouver l’efficacité de sa méthode : rapprocher des positions variées pour dégager des majorités sur des projets structurants.
Concertations élargies et pistes budgétaires
Jeudi, il a réuni pour la première fois depuis longtemps les dirigeants des partis du « socle commun » — Renaissance, Horizons, MoDem et Les Républicains — afin d’identifier quelques priorités communes. Ce format « présidents de parti » visera, selon un participant, à « travailler en confiance, de façon plus directe, pour échanger sur les idées politiques, sur les arbitrages ».
Avant d’affronter l’opposition et à quelques jours d’une nouvelle journée de manifestations, il a consulté les partenaires sociaux : la CFDT et le Medef ont été reçus vendredi, la CGT était programmée lundi. En quête d’un compromis pour faire passer le budget, le gouvernement pourrait reprendre le plan de François Bayrou en enlevant les mesures les plus controversées, comme la suppression de deux jours fériés.
L’hypothèse de rouvrir le « conclave » sur les retraites semble, selon le texte, abandonnée : les partenaires sociaux refusent en tout cas de le réouvrir. Des gestes sont néanmoins attendus à l’égard des socialistes, alors qu’à l’Élysée on estime que le Rassemblement national, premier groupe à l’Assemblée nationale, se positionne désormais aux côtés de La France insoumise sur une logique de « dégagisme ».
Conservant une parole rare, Sébastien Lecornu a choisi de ne pas multiplier les interviews pour l’heure. Il doit s’exprimer « devant les Français » à l’issue de ces consultations, avant de prononcer sa déclaration de politique générale devant le Parlement.