Sébastien Lecornu a demandé à ses équipes de se tenir prêtes à saisir le Conseil d’État pour une « loi spéciale » si la commission mixte paritaire (CMP) chargée d’arbitrer le projet de budget de l’État échouait vendredi, a indiqué son entourage au quotidien Le Monde, jeudi 18 décembre, confirmant une information de l’Agence France‑Presse (AFP). Cette éventualité viserait, selon la même source, à « faire fonctionner l’État » en l’absence d’accord parlementaire sur les lois de finances.
Un calendrier constitutionnel serré
Les deux lois de finances doivent être promulguées avant le 31 décembre 2025 pour respecter les délais imposés par la Constitution. Si ce calendrier n’était pas respecté, le gouvernement évoque la possibilité d’une « loi de finances spéciale » : une procédure d’urgence destinée à organiser les ressources et dépenses publiques lorsque le Parlement n’a pas adopté le budget dans les temps. Cette option, présentée comme un moyen d’assurer un budget minimaliste, figure dans les scénarios étudiés par l’exécutif en cas d’échec de la CMP.
Des négociations en suspens et des lignes politiques dures
Le premier ministre attribue l’impasse potentielle à « la radicalité d’une petite partie du groupe Les Républicains du Sénat, pour des raisons très politiciennes », une position qu’il juge susceptible de « mettre en danger la réussite » de la CMP. Cette remarque répond en partie aux déclarations de Christine Lavarde, sénatrice (Hauts‑de‑Seine) et porte‑parole de la droite au Sénat, qui a déclaré dans Le Figaro qu’« un texte de CMP susceptible d’être voté par le PS sera très difficilement votable au Sénat ». Elle a ajouté : « Il n’y aura pas de majorité au Sénat pour voter une CMP augmentant fortement la fiscalité sans proposer d’économies. »
Malgré ces critiques, le gouvernement se déclare disponible pour parvenir à un compromis. Selon l’entourage de M. Lecornu, l’exécutif est prêt à une « CMP conclusive » et considère qu’une « CMP à blanc » pourrait être nécessaire pour préparer le travail législatif, même si la « radicalité » de certains sénateurs vise à peser sur les négociations.
Sébastien Lecornu avait déjà alerté sur la difficulté du dossier. Il avait qualifié les échanges à venir de plus « difficiles » et « plus politiques » que ceux qui ont porté sur le budget de la Sécurité sociale, adopté définitivement la semaine précédente par une courte majorité.
Lors d’un discours devant le Sénat mercredi, il avait reconnu que « la tâche est immense » avant une réunion très incertaine entre députés et sénateurs, avec des exigences divergentes à satisfaire : un Parti socialiste dont les attentes doivent être prises en compte et une droite sénatoriale remontée, qui réclame le recours à l’article 49.3 de la Constitution pour adopter le budget sans vote.
Parallèlement, les écologistes ont confirmé, jeudi, leur intention de voter contre le projet de budget de l’État, même en cas de compromis vendredi. Ce positionnement rend, selon le texte rapporté, « de facto quasi‑impossible » l’adoption du projet par l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année, sauf recours au 49.3.
Scénarios procéduraux et enjeux politiques
Les différentes options envisagées par l’exécutif — d’un accord en CMP à une loi spéciale ou au recours au 49.3 — témoignent de la contrainte temporelle et politique. La loi spéciale apparaîtrait comme un instrument de dernier recours pour garantir la continuité financière de l’État si le Parlement ne parvenait pas à se mettre d’accord avant le 31 décembre 2025.
Le recours au 49.3, déjà évoqué par la droite sénatoriale, soulève des enjeux politiques sensibles : il permettrait théoriquement d’éviter un blocage législatif, mais au prix d’une forte contestation parlementaire et médiatique. Les positions publiques des groupes — socialistes, écologistes, majorité présidentielle et Les Républicains — restent déterminantes pour l’issue des négociations.
Une issue incertaine à court terme
À quelques jours de la CMP, le gouvernement affiche sa disponibilité mais se prépare aussi à des mesures d’urgence. La perspective d’une loi spéciale saisie du Conseil d’État, telle que rapportée par Le Monde et l’AFP, illustre la gravité du calendrier et la prudence de l’exécutif face aux tensions politiques. La réussite d’une CMP conclusive dépendra des arbitrages entre les groupes et de la capacité des responsables politiques à faire converger leurs positions d’ici la fin de l’année.
Sources citées : Le Monde, Agence France‑Presse (AFP), Le Figaro.





