Le gouvernement a annoncé qu’il ferait passer la suspension de la réforme des retraites par « un amendement au projet de loi de finances pour la Sécurité sociale dès le mois de novembre », a déclaré le premier ministre, Sébastien Lecornu, mercredi 15 septembre lors des questions au gouvernement. Le choix de ce véhicule législatif répond, selon les autorités et des spécialistes cités, à des impératifs à la fois techniques et politiques.
Pourquoi utiliser le PLFSS comme véhicule législatif ?
Le recours au projet de loi de finances pour la Sécurité sociale (PLFSS) vise d’abord la rapidité. « L’amendement est le plus simple vu que ce qui affecte l’équilibre de la sécurité sociale devra de toute façon figurer dans le PLFSS, cela évite de faire deux lois », observe Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public. Autrement dit, intégrer la suspension au PLFSS évite la double procédure qu’impliquerait une loi distincte.
Le PLFSS présente aussi une contrainte procédurale qui joue en faveur d’un traitement accéléré du dossier. En restreignant l’examen du texte à 50 jours, ce mode d’examen permet de sceller plus vite l’accord négocié entre le premier ministre et le Parti socialiste. C’est ce caractère contraint du calendrier qui a motivé le gouvernement à retenir cet itinéraire.
Le choix politique derrière la manœuvre
Le recours à un amendement gouvernemental répond aussi à des considérations politiques. Les socialistes eux-mêmes avaient demandé, mardi, que la suspension prenne la forme d’un amendement du gouvernement. En acceptant cette forme, Sébastien Lecornu a obtenu l’engagement implicite des socialistes de ne pas déclencher une motion de censure.
Les socialistes n’ont pas voté la censure du gouvernement, jeudi 16 septembre. Selon Samy Benzina, constitutionnaliste, ce choix est rationnel pour les deux camps : « Pour le gouvernement, c’est s’assurer que la loi de financement de la sécurité sociale sera adoptée avec l’aide du PS, pour les socialistes, c’est s’assurer de ne pas être dupés, d’éviter de s’apercevoir qu’une loi ordinaire de suspension ne trouve aucune majorité. »
Alternatives et limites procédurales
Passer par une loi ordinaire restait techniquement possible, mais avec des délais moins contraints et donc susceptibles d’allonger la procédure. La loi ordinaire n’impose pas la même limitation de 50 jours et son examen peut s’étaler, en pratique, bien au-delà. Le choix du PLFSS constitue donc une manière de concilier l’obligation de traiter l’impact financier sur la sécurité sociale et la nécessité d’un calendrier resserré.
Cette option présente toutefois des implications politiques. En regroupant l’examen de la suspension avec la loi de financement de la sécurité sociale, le gouvernement lie deux dossiers sensibles. Il mise sur une convergence d’intérêts avec le Parti socialiste pour faire adopter le texte. De leur côté, les socialistes obtiennent la garantie d’une procédure encadrée qui limite les marges d’action d’une majorité réticente à une suspension adoptée par une loi ordinaire.
Calendrier et perspectives
La manœuvre annoncée prévoit donc un amendement au PLFSS dès le mois de novembre. Ce calendrier renvoie au rythme habituel des lois de financement, mais il engage aussi la responsabilité des groupes parlementaires qui se sont prononcés sur la méthode. Le mois de novembre servira à inscrire la suspension dans le texte financier et à conduire son examen dans le délai fixé.
Sur le plan politique, la solution retenue montre la volonté du gouvernement de verrouiller la procédure tout en conservant une fenêtre d’accord avec une partie de l’opposition. Elle illustre également la manière dont les contraintes techniques — ici le lien entre équilibre de la sécurité sociale et loi de financement — peuvent orienter des décisions politiques sensibles.
Les éléments publics cités proviennent des déclarations du premier ministre et des analyses des spécialistes mentionnés lors des séances de questions au gouvernement des 15 et 16 septembre. Là où des positions ou des intentions ont été exprimées, elles sont restituées telles que rapportées pendant ces échanges.