Roland Lescure est venu écouter. Mercredi soir, le ministre de l’économie et des finances s’est rendu à la salle Gaveau, dans le 8e arrondissement parisien, un lieu de concerts de musique classique situé à proximité de l’Élysée, où se tenait un rendez‑vous inédit entre responsables publics et membres d’un nouveau mouvement patronal.
Un collectif né d’une tribune-pétition
Le rassemblement faisait suite à la publication, le 6 novembre dans L’Express, d’une tribune-pétition signée par 2 000 personnes et présentée sous le nom « Trop c’est trop ». Les signataires y dénoncent ce qu’ils qualifient de « dérive fiscale » dans les débats budgétaires menés au Parlement. Le texte, relayé par le collectif, visait à attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’ampleur de la contestation parmi certains chefs d’entreprise et responsables économiques.
La rencontre à la salle Gaveau n’a pas attiré les foules : le public présent était clairsemé, d’environ une centaine de personnes, majoritairement des hommes. L’accueil réservé au ministre a été plutôt froid, mais sans débordement : ni sifflets ni huées, uniquement des applaudissements polis et brefs.
Des mots mesurés et des avertissements
Dans son allocution, Roland Lescure a adopté un ton conciliant. « Je comprends votre colère », a-t-il déclaré d’emblée, reconnaissant ainsi la tension exprimée par le collectif. Le ministre a cependant posé des limites sur ce qu’il peut garantir : le prochain projet de budget « ne sera pas parfait » et il « risque d’être littéralement improductif », a‑t‑il prévenu.
Malgré ces réserves, M. Lescure a plaidé pour un vote du budget. Selon lui, l’adoption du texte permettrait « de tourner la page » et d’engager la France dans une démarche de protection à l’échelle européenne. Il a notamment évoqué la nécessité de « passer à la bataille à l’échelle européenne pour protéger nos entreprises de la concurrence déloyale chinoise ».
Le ministre a aussi mis en garde contre les conséquences d’une instabilité politique prolongée : « L’incertitude politique conduit à de l’attentisme économique néfaste pour les investissements, il faut casser cette incertitude ! » Cette formule résume sa préoccupation principale : sans visibilité, les acteurs économiques retardent ou annulent des décisions d’investissement, ce qui pèse sur la croissance et l’emploi.
Une audience peu nombreuse, des attentes affirmées
La faible affluence et la composition sociologique du public — majoritairement masculine et composée de membres du collectif — traduisent un mouvement encore en construction, qui cherche à se faire entendre. Les organisateurs ont voulu montrer l’ampleur du mécontentement avec les chiffres de la tribune, mais la mobilisation sur place est restée contenue.
Sur le fond, les revendications exprimées lors de la soirée étaient centrées sur la fiscalité et l’impact des choix budgétaires sur la compétitivité. Les prises de parole ont mis en avant la crainte d’une charge fiscale jugée excessive et les conséquences pour l’investissement privé. Les représentants du collectif ont demandé des réponses concrètes, alors que le ministre a rappelé les contraintes et les objectifs plus larges sous-jacents aux choix budgétaires.
Entre apaisement et réalisme politique
L’intervention de Roland Lescure a cherché à concilier l’apaisement avec un constat de réalisme : admettre l’insatisfaction sans promettre d’effets immédiats. En invitant les participants à voter le budget, il a cherché à transformer un moment de tension en un prélude à des actions coordonnées au niveau européen.
Sur le plan formel, l’événement illustre les espaces de dialogue qui s’ouvrent entre le gouvernement et certains acteurs économiques. Il montre aussi les limites de ces rencontres lorsque la mobilisation sur le terrain reste modeste. Le ministre a tenté de rassurer en plaidant pour la fin d’une période d’incertitude, tout en rappelant que les mesures à venir ne seront pas parfaites et qu’elles pourraient, selon ses propres mots, être « littéralement improductives ».
Sans nouvelles annonces chiffrées ni engagements détaillés annoncés ce soir-là, la soirée à la salle Gaveau a surtout permis un échange public entre un représentant du pouvoir exécutif et un collectif exprimant son mécontentement. La suite dépendra de l’évolution des débats budgétaires au Parlement et de la capacité du mouvement à maintenir ou élargir sa mobilisation.





