Face à une augmentation préoccupante des violences sexuelles et à un nombre très limité de poursuites judiciaires, le Conseil de l’Europe sonne l’alarme. Dans un rapport publié mardi 16 septembre, son Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) appelle la France à renforcer la protection des femmes et des mineures.
Des chiffres alarmants sur l’impunité
Le rapport reconnaît certains progrès récents, mais insiste sur la nécessité de mesures fortes et rapides. GREVIO se dit « particulièrement préoccupé » par le faible taux de poursuites en matière de violences sexuelles : 83 % des affaires sont classées sans suite et ce taux atteint jusqu’à 94 % lorsqu’il s’agit de viols.
Les experts exhortent les autorités françaises à améliorer les enquêtes, le recueil de preuves et à analyser les raisons de ces abandons de procédures. Ils recommandent notamment d’adopter une définition des violences sexuelles centrée sur l’absence de consentement libre, afin d’aligner la législation sur des standards internationaux et d’éviter des interprétations restrictives lors de l’instruction.
Vulnérabilité accrue des mineures
Le rapport met également en lumière la vulnérabilité particulière des filles et des jeunes femmes. Selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, plus de la moitié des victimes recensées en 2022 et 2023 étaient mineures. Les auteurs notent que les agresseurs sont eux aussi souvent jeunes et que certains sont influencés par des discours masculinistes largement diffusés sur les réseaux sociaux.
Cette observation soulève la question du rôle des plateformes et de l’éducation aux comportements sexuels et relationnels. GREVIO appelle donc à des actions de prévention ciblées, adaptées aux jeunes publics, et à un meilleur encadrement des contenus préjudiciables en ligne.
Progrès législatifs mais insuffisants
Le rapport reconnaît des avancées législatives en France mais les juge encore insuffisantes pour enrayer la hausse des violences ou pour améliorer significativement le parcours judiciaire des victimes. GREVIO souligne toutefois des mesures positives mises en place depuis le Grenelle des violences conjugales de 2019.
Parmi les changements salués figurent l’installation de bracelets anti-rapprochement, la création de dispositifs d’aide d’urgence pour les femmes quittant un conjoint violent et la mise en place du « pack nouveau départ » facilitant l’accès à un soutien rapide. Ces dispositifs ont apporté des réponses opérationnelles, mais les experts estiment qu’ils doivent s’accompagner d’une amélioration des enquêtes et d’un renforcement des sanctions pour être pleinement efficaces.
Le rapport rappelle aussi le cadre international pertinent : la Convention d’Istanbul, adoptée par près de 40 pays et entrée en vigueur en 2014, fixe des normes contraignantes pour prévenir et sanctionner les violences faites aux femmes. GREVIO, organe de suivi du Conseil de l’Europe — qui rassemble 46 États membres et veille à la protection de la démocratie et des droits humains — est chargé de contrôler la bonne application de cette convention.
Par ailleurs, le document mentionne une avancée européenne récente : en mai 2024, l’Union européenne a adopté sa première directive destinée à protéger les femmes victimes de violences et à harmoniser les sanctions contre leurs auteurs. GREVIO invite la France à poursuivre l’alignement de son droit interne sur ces engagements européens et internationaux.
Enfin, les experts recommandent un renforcement du recueil de preuves médico-légales, une formation accrue des forces de l’ordre et des magistrats, ainsi qu’un suivi des procédures pour réduire le taux de classement sans suite. Ils insistent sur la nécessité d’une approche globale combinant prévention, protection, poursuite et réparation pour les victimes.
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