C’était vraisemblablement son dernier discours à l’Assemblée nationale en tant que premier ministre. À la tribune, devant un Hémicycle rempli, François Bayrou a exposé les motifs qui l’ont conduit à solliciter un vote de confiance — un vote susceptible d’aboutir à la démission de son gouvernement — lors d’une allocution d’environ quarante minutes, lundi 8 septembre.
Une « épreuve de vérité » face aux finances publiques
Le chef du gouvernement a défendu ce qu’il a qualifié d’« épreuve de vérité », estimant que « le plus grand risque était de ne pas en prendre, de laisser continuer les choses sans que rien ne change ». Selon lui, la démarche visait à provoquer un sursaut politique plutôt qu’à chercher la conservation automatique du pouvoir : « J’ai voulu ce rendez‑vous et certains d’entre vous, les plus nombreux, les plus sensés probablement, ont pensé que c’était déraisonnable, que c’était un trop grand risque. Or, je pense exactement le contraire. »
Au cœur de son intervention figurait l’alerte sur l’état des finances publiques. François Bayrou a engagé la responsabilité de son gouvernement sur la question de la dette, rappelant le plan d’économies présenté en juillet d’un montant de 45 milliards d’euros, qui comportait des mesures symboliques et concrètes, comme la suppression de deux jours fériés. Il a pointé la probabilité d’un rejet de ces mesures par l’opposition — de la gauche au Rassemblement national — et la perspective d’une censure du gouvernement à l’automne lors de l’examen du budget.
Le poids de la dette et la « rupture » entre générations
François Bayrou a utilisé des images fortes pour décrire la dette et ses conséquences sociales. Il a estimé que le « pronostic vital » du pays était « engagé » en raison du « surendettement » et fustigé « l’expansion des dépenses publiques ». « Nous dépensons, mais nous ne revenons jamais en arrière. C’est devenu un réflexe et, pire encore, une addiction », a‑t‑il déclaré, en dénonçant l’habitude de financer les dépenses ordinaires « à crédit » : services publics, retraites, remboursements de la Sécurité sociale.
Il a poursuivi : « Notre pays travaille, croit s’enrichir, et tous les ans s’appauvrit un peu plus. Mesdames et messieurs les députés, c’est une silencieuse, souterraine, invisible et insupportable hémorragie. » Visant les groupes parlementaires qui comptaient s’opposer au vote de confiance, il a ajouté : « Vous avez le pouvoir de renverser le gouvernement, mais vous n’avez pas le pouvoir d’effacer le réel. »
Le premier ministre a ensuite mis l’accent sur les conséquences intergénérationnelles. Il a affirmé que les jeunes allaient porter, « pendant vingt ou trente ans ou davantage », le poids des milliers de milliards de dettes contractées par leurs aînés, non pas pour investir dans leur avenir, mais pour « éponger les dépenses courantes ». « Nous avons rompu le contrat de confiance entre générations qui est la base du contrat social », a‑t‑il insisté, mentionnant qu’il était frappé par le sentiment, chez les jeunes, d’être une « génération sacrifiée ».
Contre la taxe Zucman et l’argument de la responsabilité des très riches
François Bayrou s’en est pris aux propositions de la gauche visant à taxer davantage les très hauts patrimoines, citant en exemple la « taxe Zucman » portée par le Parti socialiste. Il a rappelé que ce projet proposait un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des particuliers dont la fortune dépasse 100 millions d’euros, ce qui concernerait, selon les chiffres évoqués en débat, environ 1 800 foyers fiscaux en France.
Après avoir souligné la contribution des plus hauts contribuables à l’investissement privé — « le 1 % des plus hauts contribuables assument une large part de l’investissement privé dans l’appareil productif » —, il a mis en garde contre des effets immédiats : « Ils déménagent, ils ont pléthore de pays où ils peuvent trouver un refuge. » Il a aussi rappelé que ce type de fiscalité a été jugé contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, selon ses propos.
Appel au compromis avant le vote
Pour conclure, avant que les présidents des groupes parlementaires ne prennent la parole, le premier ministre a lancé un appel au « compromis » face à la situation financière. Il a demandé un « soutien minimal, cette entente minimale entre les grandes sensibilités du pays sur le constat et sur l’impérieuse trajectoire de redressement », avertissant que sans elle « l’action du gouvernement serait vouée à l’échec et, pire encore, elle n’aurait pas de sens ». Le vote de confiance était annoncé pour la soirée, « aux alentours de 19 heures ».
Après son allocution, François Bayrou est retourné, une dernière fois en tant que premier ministre, sur le banc du gouvernement, marquant l’issue politique incertaine d’un débat centré sur la dette et les choix budgétaires du pays.