Comment l’extrême droite transpose la pensée réactionnaire du littéraire au politique : médias, édition et culture normalisent discours identitaires et xénophobes

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L’extrême droite ne se contente plus des résultats électoraux : elle gagne du terrain dans les médias, l’édition et la culture via des relais économiques et intellectuels qui normalisent des discours identitaires et xénophobes. Le dossier d’Esprit décrypte cette « convergence des haines », l’influence d’investisseurs médiatiques et les trajectoires d’auteurs comme Michel Onfray et Michel Houellebecq, et alerte sur les conséquences de cette porosité pour le débat public.

L’extrême droite ne se limite plus aux résultats électoraux : elle investit aussi l’espace médiatique, éditorial et culturel. À côté des prises de parole politiques, on observe une progression des relais intellectuels et des circuits de diffusion qui normalisent des discours identitaires, traditionalistes et xénophobes.

Des relais économiques et médiatiques

Les investissements de personnalités fortunées dans les médias sont régulièrement pointés par les observateurs. Parmi les noms cités figurent Vincent Bolloré et Pierre-Edouard Stérin, dont les mises de fonds visant à promouvoir des sensibilités conservatrices et souverainistes sont largement évoquées dans le débat public.

Ces engagements financiers ne se limitent pas à l’achat d’espaces publicitaires : ils concernent la structuration de chaînes, la prise de contrôle d’éditeurs et l’appui à des plates-formes de diffusion. Cette présence économique crée des passerelles entre sphères politiques, éditoriales et audiovisuelles, et contribue à faire émerger des thèmes et des angles de traitement récurrents.

La « convergence des haines » décrite par la revue Esprit

La revue Esprit consacre son numéro d’été à la « convergence des haines » (206 pages, 22 euros). Le dossier s’attache à documenter comment, au fil des années, certaines idées « réactionnaires » ont trouvé des relais puissants et variés dans l’espace public et culturel.

Plutôt que d’homogénéiser des courants différents, le périodique analyse des points de jonction : le « confusionnisme », le relativisme intellectuel ou le refus d’un prétendu « déni » face à un péril civilisationnel. Ces registres rhétoriques servent, selon Esprit, à remettre en question des principes de l’État de droit libéral.

Le dossier met en perspective des trajectoires individuelles et éditoriales qui participent à ce mouvement. Il reprend notamment l’éclairage historique sur l’émergence d’une nébuleuse néoréactionnaire, déjà repérée il y a plus de vingt ans par Daniel Lindenberg dans Le Rappel à l’ordre (Seuil, 2002).

Trajectoires intellectuelles et prises de parole publiques

Deux contributions du numéro d’Esprit soulignent comment des figures issues de milieux intellectuels ou littéraires se sont engagées dans la diffusion d’idées illibérales. David Chopin, consultant, et l’historien Alexandre Gefen proposent des analyses distinctes des parcours de Michel Onfray et de Michel Houellebecq.

Selon ces contributions, Michel Onfray, ancien professeur revendiquant encore certaines appartenances de gauche, s’est progressivement positionné comme défenseur de la « civilisation judéo‑chrétienne » sous couvert d’un discours souverainiste. Michel Houellebecq, auteur dont l’oeuvre est marquée par l’ambiguïté et l’antimodernisme, aurait, d’après les auteurs, franchi un palier en assumant publiquement la radicalité de personnages et de propos qui coïncident avec des thèmes réactionnaires.

Ces études de cas servent moins à stigmatiser des individus qu’à montrer un phénomène plus large : des idées qui étaient jusqu’ici marginales trouvent aujourd’hui une audience amplifiée par des canaux économiques et éditoriaux renforcés.

Conséquences pour le débat public

La porosité croissante entre sphères médiatiques, éditoriales et intellectuelles modifie la manière dont sont définis les cadres du débat public. Quand des positions hostiles à l’immigration, au multiculturalisme ou à certains principes libéraux deviennent récurrentes dans les médias, elles peuvent infléchir les normes du discours courant et les priorités politiques.

Les mécanismes décrits par Esprit — sédimentation d’arguments, relais économiques, itinéraires d’auteurs — renvoient à une transformation structurelle plus qu’à une simple succession d’initiatives ponctuelles. Ils invitent à une lecture attentive des acteurs et des ressources qui façonnent l’espace intellectuel.

Sans prétendre à l’exhaustivité, le dossier de la revue esquisse une cartographie critique des forces à l’œuvre et rappelle que la diffusion d’idées s’accompagne toujours de circuits de production et de légitimation. Comprendre ces circuits est essentiel pour saisir comment certains discours quittent la marge pour peser sur le champ public.

Parlons Politique

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