Le Rassemblement national et les «100 milliards» d’économies : promesse, hypothèses et obstacles constitutionnels et européens

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Le Rassemblement national, par la voix de Jordan Bardella, promet 100 milliards d’euros d’économies en cinq ans pour financer sa relance sans creuser le déficit. Mais l’absence de chiffrage exhaustif, les contraintes constitutionnelles et européennes et des hypothèses de croissance non démontrées rendent la faisabilité fortement incertaine.

Depuis environ deux mois, le Rassemblement national (RN) présente des scénarios chiffrés très ambitieux pour financer son programme économique, affirmant pouvoir dégager des « dizaines de milliards » d’euros d’économies dans le budget de l’État. Le parti, qui se présente comme converti à l’orthodoxie budgétaire, soutient que ces ressources suffiraient à financer une relance coûteuse sans creuser davantage le déficit public.

Les chiffres avancés et leur origine

Au début du mois de septembre, le président du RN, Jordan Bardella, a évoqué un montant précis dans une « lettre aux entrepreneurs » : 100 milliards d’euros sur un horizon de cinq ans. Ce chiffre sert depuis de référence dans la communication du parti et auprès de ses soutiens économiques.

Le quotidien Le Monde a sollicité à plusieurs reprises le RN afin d’obtenir des explications détaillées sur la composition et la méthode derrière ce chiffrage, sans obtenir de réponse. Selon les éléments partagés publiquement par le groupe parlementaire du RN, certaines pistes d’économies ont été rendues visibles, mais elles ne rendent pas compte, à ce stade, d’un plan exhaustif et vérifiable permettant d’atteindre systématiquement ce total.

Ce que disent les documents rendus publics

Le groupe parlementaire a fourni une synthèse partielle des réflexions budgétaires qui servent de matrice au programme du parti, notamment en vue d’élections législatives anticipées et de la présidentielle de 2027. Ces documents détaillent des économies potentielles et des redéploiements de dépenses, mais sans toujours préciser les bases de calcul, les calendriers exacts ni les incidences macroéconomiques attendues.

D’après ces éléments, plusieurs mesures invoquées par le RN paraissent, pour l’heure, insuffisantes pour atteindre le montant promis. Par ailleurs, le parti surestimerait probablement la portée financière de certaines mesures lorsqu’on les met en regard des règles constitutionnelles et des contraintes européennes. Le document public ne permet pas non plus de vérifier l’ensemble des hypothèses de croissance ou d’impact budgétaire qui justifieraient la trajectoire proposée.

Limites institutionnelles et contraintes extérieures

Les auteurs de la synthèse parlementaire mettent en garde : certaines mesures envisagées soulèvent des questions de conformité. Le texte indique que des propositions pourraient contrevenir à des dispositions de la Constitution ou aux règles de l’Union européenne (UE). Sans un chiffrage précis et une analyse juridique complète, il reste difficile d’évaluer l’étendue exacte de ces incompatibilités.

De plus, atteindre un objectif de déficit public inférieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) implique, en l’état, des conditions macroéconomiques favorables. Le RN ne fournit pas dans les documents partagés une trajectoire de croissance suffisamment détaillée pour rendre crédible, seule, la réduction du déficit jusqu’au seuil de 3 %.

Scénarios possibles pour respecter la contrainte du déficit

Pour rapprocher le déficit de la barre des 3 %, trois voies principales se dégagent, selon les éléments publics :

– une croissance économique nettement plus élevée que celle intégrée dans les dernières projections ;

– des économies supplémentaires, au-delà de celles déjà évoquées, nécessitant des arbitrages budgétaires précis ;

– ou des choix politiques lourds, tels qu’un désinvestissement dans certains services publics ou l’abandon de promesses sur les baisses d’impôts et la réforme du régime des retraites.

Aucune de ces options n’apparaît, dans les documents rendus publics, à la fois pleinement chiffrée et assortie d’un calendrier opérationnel, ce qui limite la portée opérationnelle des annonces.

Conclusions et incertitudes

La promesse de 100 milliards d’euros sur cinq ans, telle qu’énoncée par Jordan Bardella, reste donc pour l’heure une estimation dont la réalisation dépend de plusieurs variables non tranchées : crédibilité des économies annoncées, compatibilité juridique des mesures et évolution de la conjoncture économique.

Le peu de réponse obtenue aux demandes d’éclaircissement — notamment de la part du quotidien Le Monde — complique la vérification indépendante des calculs avancés. À défaut d’un plan budgétaire exhaustif, les trajectoires évoquées par le RN exigeraient soit une croissance spectaculaire, soit des arbitrages et des renoncements politiques significatifs pour être tenables sans porter atteinte aux équilibres juridiques et financiers actuels.

En l’état, la communication du RN présente des objectifs chiffrés ambitieux mais partiellement sourcés, ce qui laisse subsister d’importantes incertitudes sur la faisabilité réelle de ces promesses.

Parlons Politique

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