Une narration politique construite à l’automne
Le Rassemblement national (RN) occupe la scène politique cet automne en multipliant les récits publics. Pendant que Jordan Bardella participe à des séances de dédicaces pour son ouvrage en librairie, Marine Le Pen cherche à affirmer son influence à l’Assemblée nationale.
La dirigeante d’extrême droite se présente comme une « lanceuse d’alerte », dénonçant des décisions qu’elle dit tenues secrètes par le gouvernement et ses alliés parlementaires. Selon le RN, ces mesures mettraient en péril le pouvoir d’achat des Français ou alourdiraient discrètement la charge fiscale.
Des victoires revendiquées — entre réalité et communication
Ces dernières semaines, le parti a revendiqué plusieurs « succès » politiques. Il évoque notamment le renoncement à une hausse de la taxe foncière, l’ajournement d’une obligation d’installation de thermostats connectés et l’intervention du Premier ministre via une « lettre rectificative » au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour suspendre une réforme des retraites.
Présentés par le RN comme des mesures « débusquées » par ses soins, ces exemples servent à illustrer le rôle qu’il se donne : celui d’un opposant vigilant, capable de faire reculer l’exécutif. Dans la communication lepéniste, ces événements confirment une stratégie fondée sur la mise en scène d’une confrontation avec les pouvoirs en place.
Médiatisation et relais sur les réseaux sociaux
Dans les faits, le parti semble souvent se contenter de relayer des informations diffusées par la presse et d’amplifier ces éléments sur les réseaux sociaux. Les équipes communication du RN transforment alors ces faits en messages structurés, destinés à galvaniser leur base et à capter l’attention médiatique.
Cette démarche s’appuie sur deux leviers : la sélection d’éléments susceptibles d’indigner l’opinion et leur répétition sur différentes plateformes. Ainsi, une mesure signalée par un article ou un communiqué devient rapidement, via le RN, un argument politique mobilisable auprès des électeurs.
Ce que disent ces pratiques sur la stratégie du RN
La mise en avant de prétendues révélations répond à un objectif clair : occuper l’espace public et présenter le RN comme le défenseur des intérêts populaires face à des décisions tenues pour opaques. Ce positionnement permet au parti d’aligner son discours national sur des sujets concrets, perçus comme générateurs d’inquiétude — fiscalité, pouvoir d’achat, retraites, ou encore régulation des usages domestiques.
Il s’agit d’une stratégie de visibilité qui ne garantit pas, en revanche, que l’électorat perçoive une influence parlementaire durable. Les exemples cités par le RN traduisent davantage une capacité à capter et à redistribuer l’information qu’une démonstration de pouvoir exécutif effectif.
Enfin, cette méthode soulève une question récurrente : celle de la frontière entre information et amplification politique. En transformant des signaux médiatiques en éléments de campagne, le parti mise sur l’émotion et la récurrence pour structurer son récit.
Sans invention de faits nouveaux, le RN capitalise sur l’attention publique pour imposer sa lecture des événements et revendiquer un rôle de « lanceur d’alerte » dans le débat national.





