La réconciliation entre Sébastien Lecornu et la droite semble consommée, mais non sans réserves. Le temps et le contexte politique ont atténué les animosités : après neuf mois pendant lesquels Les Républicains (LR) ont fait contre mauvaise fortune bon cœur vis‑à‑vis de François Bayrou, le remplacement du centriste par « un ancien de la maison » est accueilli avec soulagement par une partie de la droite.
Un visage rajeuni pour la droite
À 39 ans, Sébastien Lecornu redevient fréquentable aux yeux d’élus LR qui, naguère hostiles, jugent son retour positiv e. Plusieurs députés répètent la même formule : « Lecornu c’est quand même mieux que Bayrou. » Le président du parti, Bruno Retailleau, entretiendrait avec lui des relations « fluides », selon les descriptions circulant dans les coulisses.
Jean‑François Copé, ancien président de l’UMP (2012‑2014), résume la tonalité du camp : « Dans un océan de mauvaises nouvelles, Sébastien Lecornu à Matignon en est une bonne. » Cette confidence illustre la manière dont certains dirigeants de droite interprètent le déplacement politique : un arbitrage pragmatique face aux nécessités gouvernementales.
Les cicatrices du passé
Pour autant, le passé n’est pas entièrement effacé. On rappelle la déchirure d’octobre 2017 : le 31 octobre 2017, le bureau politique de LR avait exclu Sébastien Lecornu du parti. À l’époque, les reproches étaient portés au sein d’un mouvement qui voyait partir plusieurs élus vers le camp macroniste.
Un cadre du parti relativise aujourd’hui ces tensions historiques et souligne l’effet d’échelle : « Lecornu, à l’époque, c’était un second rôle dans l’ombre de Bruno Le Maire. On cognait surtout sur [Edouard] Philippe, [Gérald] Darmanin ou Thierry [Solère]. C’est un peu sa chance aujourd’hui. Personne ne se souvient du mal qu’il a pu dire sur nous. »
Le mot « traître » continue toutefois d’être employé par des voix de droite anciennes et critiques, mais il paraît de moins en moins déterminant dans la recomposition actuelle des alliances. Le glissement des regards reflète un choix tactique : privilégier l’efficacité gouvernementale à la stabilité doctrinale du camp.
Une normalisation politique mesurée
Le retour apparent de Lecornu dans les cénacles LR n’est pas seulement personnel ; il traduit aussi un réalignement politique. Plusieurs responsables évaluent désormais les appuis sous l’angle de l’utilité et de la gestion plutôt que de la pure appartenance partisane. Cette logique explique en partie pourquoi l’accueil est moins acerbe que par le passé.
Il reste toutefois des observateurs sceptiques, qui voient dans ce lent apaisement une stratégie circonstancielle plus qu’un véritable ralliement idéologique. Le souvenir de l’exclusion de 2017 et des critiques passées perdure dans des mémoires politiques qui ne s’effacent pas du jour au lendemain.
Enfin, la trajectoire personnelle de Sébastien Lecornu est souvent rappelée pour en souligner la continuité politique : le jeune Lecornu s’était encarté à l’âge de 16 ans, signe d’un engagement précoce et d’un parcours construit au sein des familles politiques de droite.
Au‑delà des jugements et des formules, la situation montre comment des ruptures anciennes peuvent s’atténuer lorsque les équilibres gouvernementaux et les intérêts stratégiques changent. Reste à voir si cette « normalisation » se stabilisera sur le temps long ou si elle demeurera une parenthèse circonstancielle.
