Des mandalas aux couleurs vives, des autoportraits porteurs de messages et des tableaux projetés : la décoration de la Kaz’Ado vise d’emblée à créer une atmosphère intime et non clinique. Installée en centre‑ville de Saint‑Paul, principale commune de la côte ouest de La Réunion, la structure se présente comme une déclinaison locale des maisons des adolescents qui existent dans l’Hexagone.
Une structure pensée hors de l’hôpital
La Kaz’Ado a été conçue pour « démédicaliser le soin » et se démarquer volontairement de l’environnement hospitalier, où les adolescents ont souvent peu d’envie de se rendre. La structure dépend du centre hospitalier Ouest Réunion et de l’établissement public de santé mentale de La Réunion (EPSMR), mais elle se veut plus accessible en étant située en centre‑ville.
Elle accueille, selon les responsables, entre 400 et 500 adolescents et jeunes adultes par an. Ce chiffre témoigne d’un usage régulier de la structure par la population locale et illustre l’ampleur des besoins de prise en charge à destination des jeunes.
La pédiatre Sandrine Ernould, l’une des deux responsables de la Kaz’Ado, souligne la spécificité du lieu : « Ici, nous sommes en première ligne ». La remarque renvoie à l’observation d’un contact direct et fréquent avec les jeunes et leurs familles, au quotidien.
Des réponses centrées sur les difficultés adolescentes
La psychiatre Cécile Jean‑Baptiste décrit la vocation de la Kaz’Ado en termes de ciblage plutôt que d’intensité : « Nous ne proposons pas des prises en charge psychiatriques lourdes mais nous nous consacrons à la problématique [propre aux adolescents] », déclare‑t‑elle. Elle précise ensuite les types de situations traitées : « Ce qui est en lien avec des symptômes d’anxiété, de dépression, des difficultés de vie, le harcèlement scolaire ou sur les réseaux, les troubles identitaires et les conflits familiaux ou avec d’autres jeunes. »
Autrement dit, la Kaz’Ado ne remplace pas les services psychiatriques spécialisés pour les cas sévères. Elle offre un accompagnement ciblé sur les problématiques fréquentes de l’adolescence, en privilégiant un cadre moins médicalisé et plus propice à l’expression des jeunes.
Des besoins locaux importants
Le rôle de la Kaz’Ado s’inscrit dans un contexte régional où les indicateurs de santé mentale chez les jeunes suscitent l’attention. Selon une étude rendue publique le 3 septembre (l’année n’est pas précisée dans la source citée) par l’Institut Montaigne, la Mutualité française et l’Institut Terram, 32 % des 15‑29 ans déclarent souffrir de dépression. Le même travail note que ce taux est plus élevé dans les outre‑mer que dans l’Hexagone.
Le chiffre de 32 % invite à la prudence : il décrit une réalité signalée par les répondants à l’étude, mais la méthode et l’année de publication influent sur l’interprétation. Néanmoins, combinée aux observations des praticiens locaux, cette statistique éclaire la pression exercée sur les dispositifs de prise en charge des jeunes à La Réunion.
Sur une île où l’accès aux spécialistes et la stigmatisation peuvent constituer des obstacles, des structures de proximité comme la Kaz’Ado cherchent à réduire les freins à l’accueil. Leur présence en centre‑ville favorise le contact précoce et la continuité des suivis quand cela est nécessaire.
Modalités d’intervention et limites
Concrètement, la Kaz’Ado propose des entretiens, des ateliers et des activités destinés à favoriser l’expression et le repérage des difficultés. Le recours à des espaces accueillants, à des supports artistiques et à des approches éducatives vise à instaurer la confiance et à faciliter l’orientation vers des prises en charge spécialisées si la situation l’exige.
Les responsables insistent sur le fait que la structure n’est pas équipée pour des prises en charge psychiatriques lourdes ; les cas graves doivent être orientés vers les services hospitaliers ou les équipes spécialisées. Ce positionnement implique des collaborations nécessaires entre acteurs de la santé, de l’éducation et du médico‑social pour assurer la continuité des parcours.
En synthèse, la Kaz’Ado se présente comme un lieu de premier contact et de soutien adapté aux jeunes de Saint‑Paul et de l’ouest réunionnais. Les chiffres disponibles et les témoignages des praticiens mettent en évidence des besoins marqués en santé mentale chez les 15‑29 ans sur l’ensemble de l’outre‑mer, justifiant le développement de dispositifs de proximité et de repérage précoce.