L’assurance-maladie française, conçue pour couvrir les dépenses de santé des travailleurs, inclut également les anciens salariés, notamment les retraités. Cette caractéristique structurelle pose aujourd’hui des défis financiers et démographiques majeurs pour le système.
Un déséquilibre démographique persistant
Au moment de la création de la Sécurité sociale en 1945, on comptait environ six actifs pour un retraité. Ce rapport s’est fortement dégradé : il est actuellement de 1,7 actif pour un retraité et devrait continuer à baisser pour atteindre vraisemblablement 1,4 d’ici 2070. Or, les salariés financent l’essentiel des prestations versées par l’assurance-maladie, à hauteur de 150 milliards d’euros sur 252 milliards, via les cotisations sociales et la contribution sociale généralisée (CSG).
Cette évolution démographique rappelle les tensions observées sur le système de retraite par répartition. Le déséquilibre se répercute déjà sur les comptes de l’assurance-maladie : le déficit est estimé à 23 milliards d’euros en 2025, contre 17,2 milliards en 2024. La montée en charge liée au vieillissement de la population menace d’aggraver ce creusement si aucune adaptation n’est engagée.
Les plus âgés concentrent une part disproportionnée des dépenses
Une part importante des dépenses de santé est liée à l’âge. Les personnes de plus de 60 ans supportent ainsi 50 % de la dépense totale, alors qu’elles représentent 28 % de la population. Cette concentration s’explique par une augmentation marquée des coûts avec l’âge.
Selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), la dépense annuelle moyenne par personne en 2021 s’établissait à :
• 1 114 euros pour les moins de 20 ans ;
• 1 632 euros pour les 21-40 ans ;
• 2 717 euros pour les 41-60 ans ;
• 4 498 euros pour les 61-70 ans ;
• 6 291 euros pour les 71-80 ans ;
• 8 529 euros pour les plus de 80 ans.
Ces montants rendent compte, de façon chiffrée, de la hausse exponentielle des dépenses avec l’avancée en âge et expliquent en grande partie la pression exercée sur le financement collectif de l’assurance-maladie.
Des facteurs structurels : maladies chroniques et perte d’autonomie
Au-delà du simple vieillissement, la progression du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques, les troubles de santé mentale et la montée des situations de forte perte d’autonomie pèsent également sur le niveau des dépenses. Ces évolutions combinées augmentent non seulement le volume de soins nécessaires, mais aussi la complexité et le coût moyen des prises en charge.
Les projections démographiques, associées à ces tendances sanitaires, conduisent à un double défi : préserver l’accès aux soins et assurer la soutenabilité financière du système sans transférer des charges excessives sur les ménages ou la dette publique.
Prévention et changement de comportements : quels leviers ?
Parmi les pistes avancées pour contenir la dépense, les politiques axées sur la prévention et l’évolution des comportements occupent une place centrale. Favoriser la prévention, encourager des parcours de soins plus efficaces et influer sur la consommation médicale pourraient améliorer l’espérance de vie en bonne santé et réduire certaines dépenses évitables.
Il ne s’agit pas de multiplier les discours moralisateurs ni des campagnes de communication superficielles, mais d’adopter des actions ciblées et adaptées : programmes de dépistage pertinents, accompagnement des patients atteints de maladies chroniques, promotion d’habitudes favorables à la santé, et organisation des soins centrée sur la coordination et la qualité.
Ces mesures demandent des arbitrages budgétaires et une concertation entre pouvoirs publics, professionnels de santé et acteurs sociaux. Leur efficacité dépendra aussi de l’acceptabilité par les citoyens et de la mise en œuvre concrète sur les territoires.
Enjeux financiers et nécessités d’ajustement
Le creusement du déficit — 17,2 milliards en 2024 puis 23 milliards en 2025 selon les estimations reproduites ici — illustre l’urgence d’ajustements. Plusieurs leviers sont possibles : évolution des recettes, maîtrise des dépenses, réformes organisationnelles et politiques de prévention. Chacun implique des choix politiques et sociaux sensibles.
La confrontation entre une population qui vieillit et un modèle de financement largement fondé sur les actifs rend inévitable une réflexion globale. Cette réflexion devra concilier équité, efficacité et soutenabilité financière sans perdre de vue l’objectif initial : garantir l’accès à des soins de qualité pour l’ensemble de la population.





