La Cour des comptes appelle l’État à mieux prendre en compte le vieillissement de la population dans ses choix budgétaires. Dans un rapport rendu public mardi 2 décembre, les magistrats de la Rue Cambon proposent une analyse détaillée des effets de la démographie sur les finances publiques et estiment que la question exige des décisions politiques « particulièrement sensibles ».
Des évolutions démographiques marquées
Comme la plupart des pays développés, la France fait face à des bouleversements démographiques profonds : la fécondité recule, l’espérance de vie s’allonge et les générations abondantes du « baby‑boom » atteignent désormais les âges les plus élevés. Ces tendances combinées entraînent une hausse significative de la part des seniors dans la population.
La Cour rappelle des repères chiffrés : la proportion de personnes âgées d’au moins 65 ans est passée de 16,3 % en 2005 à 21,8 % à la fin de 2024. Selon le scénario dit « central » de l’Insee, cette part pourrait approcher 30 % en 2070. Sur le plan des forces de travail, les effectifs « en âge de travailler » seraient appelés à diminuer de 3,4 millions au cours des quarante‑cinq prochaines années, pour atteindre 34,6 millions en 2070.
Conséquences attendues pour les finances publiques
La Cour des comptes met en miroir ces tendances démographiques et les comptes publics. Le vieillissement modifie la structure des dépenses publiques, notamment en matière de retraites, de santé et de dépendance, et pèse sur les recettes via une base d’actifs plus réduite. Les magistrats insistent sur le fait que ces évolutions ne sont pas neutres pour la soutenabilité budgétaire à moyen et long terme.
Sans proposer de plan unique, le rapport invite à intégrer plus systématiquement ces paramètres dans les orientations budgétaires. Il souligne la nécessité d’anticiper et de chiffrer les effets des choix publics afin de préserver la lisibilité et la viabilité des trajectoires financières de l’État.
Pistes de réflexion et débats à venir
Parmi les pistes esquissées, la Cour évoque l’idée de développer la « quantité de travail à accomplir » sur l’ensemble d’une vie. Cette formulation renvoie à plusieurs leviers possibles : allonger la durée d’activité, augmenter le taux d’emploi des seniors, adapter les parcours professionnels et renforcer la politique d’immigration qualifiée. Les magistrats notent que ces options soulèvent des choix « particulièrement sensibles », tant sur le plan social que politique.
Le rapport met en évidence le caractère multidimensionnel du défi : répondant à des enjeux économiques, sociaux et organisationnels, il nécessite des arbitrages entre solidarité intergénérationnelle, protection sociale et efficacité économique. La Cour insiste sur l’importance d’une information publique claire et de scénarios chiffrés pour permettre un débat démocratique éclairé.
Les propositions contenues dans le document devraient alimenter les discussions entre ministères, partenaires sociaux et acteurs locaux. Elles laissent toutefois ouvertes des interrogations sur l’équilibre à trouver entre ajustements structurels et mesures redistributives, ainsi que sur le calendrier des réformes.
En l’état, la Cour des comptes n’impose pas de solutions précises, mais elle demande que le vieillissement figure explicitement parmi les paramètres déterminants des orientations budgétaires. À ses yeux, reporter cette intégration reviendrait à accroître l’incertitude sur la soutenabilité des finances publiques.
Sur un plan plus politique, la question des priorités reste posée : faut‑il privilégier des mesures qui augmentent l’offre de travail, revoir le financement des prestations liées à l’âge, ou combiner plusieurs leviers ? Le rapport invite à considérer ces options de manière transparente et étayée par des projections démographiques et financières.
Au final, la Cour des comptes livre un diagnostic étayé et appelle à une prise en compte plus régulière du facteur démographique dans la préparation des budgets. Le message est clair : face à un horizon marqué par une population plus âgée et une base d’actifs relative en contraction, les choix budgétaires exigent préparation, chiffrage et, in fine, arbitrage politique.





