La note publiée mardi 2 septembre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) met en lumière un constat déroutant pour les dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) : le taux réel d’imposition des profits « est plus élevé pour les PME que pour les grandes entreprises ».
Une charge fiscale effective plus lourde pour les PME
L’étude, qui porte sur la période 2016-2022, montre un creusement de l’écart entre tailles d’entreprises. À bénéfice d’exploitation égal, les PME ont, en 2022, acquitté 50 % d’impôt sur les profits de plus que les grandes sociétés, selon l’Insee.
Cette disproportion interroge alors que la justice fiscale reste une priorité affichée par les autorités. « Chacun doit payer ses impôts à la hauteur de ses moyens », a déclaré Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, dans un entretien au Monde le 1er septembre, cité par l’étude.
Une baisse moyenne du taux d’imposition officielle mais des effets inégaux
Au niveau macroéconomique, l’Insee conclut d’abord à une baisse du taux d’impôt effectivement appliqué aux entreprises entre 2016 et 2022. Ce recul reflète notamment la réduction du taux officiel de l’impôt sur les sociétés, passé de 33,3 % en 2016 à 25 % en 2022, pour se rapprocher de la moyenne de l’OCDE (21,1 %).
En pratique, le « taux implicite brut d’imposition » — c’est‑à‑dire l’impôt sur les sociétés réellement payé hors crédits d’impôt, rapporté à l’excédent net d’exploitation — s’est établi en moyenne à 17,5 % en 2022. La différence entre ce taux implicite et le taux officiel s’explique par le recours à des dispositifs légaux : reports de déficit, déductions fiscales, régime de groupe, crédits d’impôt, etc.
Des mécanismes d’allégement qui favorisent les grandes entreprises
Le signal le plus net est l’hétérogénéité des effets selon la taille des entreprises. Les grandes sociétés ont été les principales bénéficiaires du mouvement : leur taux d’impôt implicite a reculé de 19,3 % à 14,3 % entre 2016 et 2022, soit une baisse de 5 points.
Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) enregistrent également une réduction sensible, de l’ordre de 3,4 points sur la période. En revanche, le recul pour les PME se limite à 1,7 point, le taux implicite atteignant 21,4 % en 2022.
Plus surprenant, les microentreprises voient leur taux implicite légèrement augmenter sur la période, pour se situer autour de 19 % en 2022.
Ces écarts traduisent, selon l’Insee, une capacité inégale à mobiliser les mécanismes d’allégement fiscaux. Les instruments comme le régime de groupe ou certains crédits d’impôt profitent davantage aux structures qui disposent des ressources administratives et financières pour les activer.
La note invite ainsi à distinguer la trajectoire du taux officiel de l’impôt sur les sociétés et la réalité effective des prélèvements, qui dépend largement des pratiques comptables et des dispositifs légaux utilisables par chaque catégorie d’entreprise.
Sans proposer dans le texte une solution unique, l’Insee met en évidence une tension entre l’objectif de baisse du taux nominal et la nécessité de veiller à l’équité entre tailles d’entreprises, afin d’éviter que la réforme n’accroisse des différences de traitement effectif.
Les chiffres présentés dans la note — évolution des taux officiels, taux implicites par taille d’entreprise, et l’écart de 50 % en 2022 entre PME et grandes sociétés pour un même bénéfice d’exploitation — constituent le cœur de la démonstration. Ils appellent des débats sur l’architecture des allégements fiscaux et sur les moyens d’assurer une application plus homogène de la justice fiscale entre acteurs économiques de tailles différentes.