Depuis un peu plus d’un siècle, la législation française prévoit une indemnisation spécifique pour les travailleurs qui tombent malades du fait de leur activité professionnelle. Un rapport rendu public « vendredi 3 octobre » — l’année n’étant pas précisée dans le texte d’origine — par la Cour des comptes met en lumière la méconnaissance et la complexité des mécanismes de reconnaissance et de réparation des maladies professionnelles.
Un régime centenaire fondé sur des « tableaux »
Le système de reconnaissance des maladies professionnelles a été institué en 1919. Il repose principalement sur des « tableaux » qui énumèrent, pour chaque maladie, des conditions précises permettant de présumer un lien de causalité entre l’affection et le poste occupé.
Pour qu’une pathologie soit reconnue au titre d’un tableau, plusieurs conditions doivent être remplies : l’accomplissement de tâches bien définies exposant au risque, ainsi qu’un délai maximal entre la fin de l’exposition et la date à laquelle les symptômes sont constatés par un médecin. Lorsque ces conditions sont respectées, la maladie est présumée liée au travail, ce qui ouvre droit à des protections et à une indemnisation plus favorables que pour une pathologie dite « ordinaire », c’est‑à‑dire sans lien établi avec l’activité professionnelle.
Une procédure complémentaire pour les cas hors tableaux
Depuis 1993, le dispositif comporte une procédure complémentaire destinée aux pathologies qui ne figurent pas dans les tableaux. Dans ce cas, des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles examinent les dossiers et décident si l’affection de longue durée peut être imputée au travail.
Cette voie complémentaire vise à prendre en compte des affections émergentes ou des situations individuelles qui échappent aux critères stricts des tableaux. Elle suppose toutefois un examen au cas par cas, impliquant des expertises médicales et des évaluations souvent longues.
Complexité, invisibilité et conséquences
La Cour des comptes souligne que ces mécanismes restent méconnus et que leur complexité limite leur portée effective. La combinaison de règles techniques, de délais et de procédures contradictoires contribue à rendre l’accès à la reconnaissance difficile pour de nombreux salariés.
La présomption offerte par les tableaux est à la fois une garantie et une contrainte : elle simplifie la reconnaissance quand toutes les conditions sont réunies, mais elle exclut automatiquement les cas qui n’entrent pas dans les cadres préétablis. La procédure régionale, quant à elle, fournit une porte de sortie pour ces situations, mais elle exige des preuves et des expertises qui peuvent alourdir la procédure.
Un enjeu social peu présent dans le débat public
Le rapport de la Cour des comptes met en avant un paradoxe : il s’agit d’un enjeu majeur pour la protection des travailleurs, mais il est rarement présent dans le débat public. Les raisons évoquées sont notamment la technicité du sujet et la faible visibilité médiatique des procédures administratives longues.
Pour les personnes concernées, la reconnaissance d’une maladie professionnelle a des conséquences concrètes sur la prise en charge médicale, la réparation du préjudice et l’accès à des droits spécifiques. C’est pourquoi la portée réelle du dispositif dépend autant de son architecture juridique que de sa mise en œuvre pratique par les organismes compétents.
Le rapport cité apporte ainsi des éléments d’éclairage sur des règles anciennes mais encore déterminantes pour une partie importante du monde du travail. Il souligne la nécessité d’une meilleure information et, selon le document, d’une simplification des parcours de reconnaissance — éléments qui expliqueraient en partie la faible place du sujet dans l’agenda public.
Sans prétendre résoudre les questions soulevées, ce bilan invite à mesurer l’écart entre le principe d’indemnisation spécifique posé depuis 1919 et les difficultés rencontrées aujourd’hui par les salariés pour en bénéficier. Il rappelle que la reconnaissance des maladies professionnelles reste une composante essentielle de la protection sociale, mais l’une dont l’accès demeure entravé par des procédures techniques et parfois opaques.