Des chiffres récents qui inquiètent
L’Insee a publié, le 7 juillet, des données jugées préoccupantes par les instances consultatives chargées des politiques sociales. Cet été, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), rattaché à Matignon, a été mandaté par le premier ministre de l’époque, François Bayrou, pour définir un objectif de réduction de la pauvreté sur dix ans.
Pour le président du CNLE, le sociologue Nicolas Duvoux, la présentation du budget 2026, le mardi 14 octobre, renforce ces inquiétudes : « la pauvreté va mécaniquement s’aggraver de façon encore plus marquée », alerte-t-il. Cette formulation signale selon lui que certaines mesures budgétaires pourraient, par leurs effets macroéconomiques ou redistributifs, contribuer à accroître le nombre de personnes pauvres.
Évolution de la pauvreté monétaire
Le CNLE rappelle une tendance structurelle : la pauvreté monétaire progresse depuis les années 2000, alors qu’elle avait nettement reculé sur les cinquante années précédentes. Cette longue diminution antérieure est notamment attribuée à la montée en puissance des régimes de retraite obligatoires, qui avaient joué un rôle protecteur contre la précarité.
La soudaineté de la hausse entre 2022 et 2023 a toutefois surpris les observateurs. Selon les chiffres cités, près de 9,8 millions de personnes se trouvaient en situation de pauvreté après cette augmentation. Le CNLE souligne que cette progression ne se limite pas à une fluctuation ponctuelle : elle s’inscrit dans un mouvement plus large observé depuis le début des années 2000.
Un niveau élevé de privations matérielles et sociales
Autre signal préoccupant : le taux de pauvreté « en conditions de vie », indicateur qui mesure des privations matérielles et sociales, est resté élevé depuis 2022. Cet indicateur ne se borne pas à la seule dimension monétaire ; il intègre des éléments concrets de privation, par exemple des difficultés d’accès à certains biens ou services, l’isolement, ou des contraintes sur les dépenses essentielles.
La persistance d’un niveau élevé sur cet indicateur conduit le CNLE à insister sur la nécessité d’une lecture combinée des différentes mesures de pauvreté. Pour le conseil, la conjonction d’une progression monétaire et d’un maintien des privations en conditions de vie témoigne d’un affaiblissement plus profond des protections sociales ou d’un accroissement des coûts supportés par les ménages.
Questions soulevées par le budget 2026
La référence au budget 2026 dans l’alerte de Nicolas Duvoux met l’accent sur l’impact potentiel des orientations budgétaires sur la situation sociale. Le CNLE et ses dirigeants pointent la possibilité d’un effet « mécanique » : certaines réductions ou réorientations de dépenses publiques peuvent, sans autre changement, dégrader des dispositifs de soutien et augmenter la pauvreté.
Le conseil ne propose pas ici des mesures précises dans le texte fourni, mais appelle implicitement à évaluer finement les conséquences distributives des choix budgétaires. L’enjeu est de mesurer comment chaque mesure structurelle ou conjoncturelle agit sur les revenus disponibles et sur l’accès aux services essentiels.
Constats et incertitudes
Le CNLE affirme ne pas avoir été surpris par la tendance générale, mais sa réaction témoigne d’une inquiétude face à l’ampleur de la hausse récente et à la persistance des privations en conditions de vie. Les chiffres évoqués — et en particulier le rapprochement de la barre des 9,8 millions de personnes en pauvreté — renforcent l’importance d’un diagnostic partagé entre statisticiens, décideurs et acteurs du secteur social.
Plusieurs points restent à préciser pour un bilan complet : l’impact réel des mesures du budget 2026 sur les différentes formes de pauvreté, la répartition territoriale et sociodémographique des personnes touchées, ainsi que l’éventuelle part conjoncturelle liée à des chocs économiques récents. Le CNLE invite à intégrer ces éléments dans la définition d’un objectif décennal de réduction de la pauvreté.
Sans exclure d’autres analyses, le constat central du CNLE est clair : la montée récente de la pauvreté monétaire et le maintien d’un taux élevé de privations matérielles et sociales imposent une vigilance accrue face aux choix budgétaires et aux politiques publiques destinées à protéger les populations les plus vulnérables.